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12 avril 2014 6 12 /04 /avril /2014 08:40

1988, à Berkeley: Mark O'Brien (John Hawkes) est un poète quadragénaire, isolé dans une paralysie partielle depuis une polio attrapée à un très jeune âge. Il a un problème: s'il est paralysé, dépendant d'un poumon d'acier, et d'une assistance constante, une vie sexuelle lui est possible. Problème: il n'a évidemment jamais eu d'occasion. Avec l'assistance souvent un brin réticente du père Brendan (William H. Macy), son confesseur, il va s'engager dans une nouvelle voie pour lui: à la recherche d'une possibilité d'explorer les possibilités d'une vie sexuelle, il va tomber sur une thérapeute, Cheryl (Helen Hunt), qui va lui fournir une aide précieuse, et inattendue...

C'est un joli film, une de ces nombreuses oeuvres venue des Etats-Unis qui explorent les multiples chemins de la différence, parfois avec une tendance un peu trop marquée à appuyer sur le pathos de façon très prononcée. Celui-ci ne fait pas exception, mais il faut dure que l'anecdote de Mark O'Brien est authentique, basée sur un roman autobiographique qu'il a écrit avec beaucoup d'humour (On seeing a sex surrogate), un humour qui passe beaucoup dans le film: O'Brien l'utilise comme mécanisme social, Cheryl en possède un solide, et les entrevues-confessions avec le père Brendan se déroulent au beau milieu de l'église, O'Brien ne pouvant pas entrer dans le confessionnal en raison de la place que prend son brancard. Ainsi les deux hommes régalent-ils les quelques pénitents qui s'aventurent pour prier de détails croustillants dont la crudité est constamment magnifiée par le talent poétique de Mark... Le film partage cette crudité inévitable, mais à aucun moment le côté technique ne sort du cadre justifié de l'exploration tragicomique vécue dans toute sa dimension physique par Mark et Cheryl.

Reste qu'au-delà de l'inévitable plaidoyer pour la reconnaissance et l'abolition de la différence, véritable passage obligé de ce genre de film, le sujet glisse plutôt vers Cheryl, ainsi que vers d'autres femmes dont la présence n'est pas ressentie que par le point de vue de Mark: nous voyons ainsi Cheryl chez elle, dans une petite vie de femme mariée avec un homme au foyer qui a donc du accepter le métier qu'elle pratique, et qui lui fait effectivement avoir des relations sexuelles avec ses patients. Les effets de sa relation avec O'Brien, mais aussi les limites, les contours flous et propices à un certain malaise de son gagne-pain sont explorés de façon très juste, tout comme le doute d'une autre femme à laquelle Mark a déclaré son amour, et qui mettra longtemps, très longtemps à lui répondre, coincée probablement derrière des réticences inavouables mais finalement compréhensibles... C'est une réflexion sur les sentiments, le sexe, la capacité à donner, voire à partager un partenaire, qui se met en oeuvre dans un film finalement hanté à la fois par les utopies du passé (On est à Berkeley, Californie, e le métier de Cheryl vient en droite ligne des mouvements de la contre-culture des années 60-70), et le constat de leur échec. Et au final, un beau film qui change agréablement du tout-venant.

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Published by François Massarelli - dans Comédie