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8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 08:36
Hail the conquering hero (Preston Sturges, 1944)

Woodrow Truesmith n'a pas de chance, d'une certaine façon: il est le dernier né d'une lignée de héros, préparé dès son plus jeune age à glorieusement prendre la suite de ses aînés. Pour lui comme pour son père, la route est toute tracée: ce sera les Marines... Sauf que non: atteint d'un rhume des foins calamiteux, il est réformé et renvoyé à la vie civile... Ce qu'il ne peut admettre ni avouer à sa maman, qui vit dans le culte du papa, sergent chez les Marines et disparu symboliquement le jour même de la naissance de Woodrow. Celui-ci s'est donc résolu à prétendre être toujours un soldat, et se cache en attendant une meilleur idée. Il a rompu avec sa fiancée, et est bien déterminé à ne jamais retourner dans sa petite bourgade. Au début du film, il est dans une taverne, à boire plus que de raison, lorsqu'il croise un groupe de six Marines, six héros qui viennent de Guadalcanal. Il leur offre un verre, parle avec eux... et ils décident de l'aider à rentrer chez lui en prétendant qu'il est non seulement parti à Guadalcanal avec eux, mais aussi qu'il a commis action d'éclat sur action d'éclat. En rentrant, toute la ville est en émoi, on fête le nouveau héros, la maman est aux anges et l'ex-fiancée (Qui s'est entre-temps trouvé un bellâtre pour se consoler) hésite à mettre en oeuvre ses plans de mariage ou à retourner vers Woodrow le héros. Celui-ci, quant à lui, vit un cauchemar devant la façon dont la situation dégénère...

Qu'est-ce qui fait un héros, c'est la question posée en substance par ce film, qui renvoie en filigrane à The great mcGinty, le premier film de Sturges: la première scène est située ici aussi loin de tout, et Woodrow cherche l'oubli comme McGinty dans le film initial. Mais là ou McGinty engendre un flash-back par sa narration, ce nouveau film va de l'avant grâce à une troupe de bonnes fées, les six Marines, qui vont s'attacher, parce que l'un d'entre eux est très chatouilleux en ce qui concerne les relations entre une mère et son fils, à faire de Woodrow le réformé un héros glorieux... Et la foule, qui gobe tout de A jusqu'à Z, va aller jusqu'à vouloir faire de cet escroc malgré lui, un homme politique providentiel, en vue des élections municipales situées deux jours plus tard. Et Woodrow, quant à lui, se laisse plus ou moins mener dans cette escroquerie qui dégénère essentiellement parce qu'il trouve, jusqu'à un certain point, la vérité plus embarrassante que le mensonge. out ça fait beaucoup pour un pays qui a l'habitude de confier sa destinée à des héros certifiés; mais le sont-ils vraiment? Sturges prend la précaution de tout faire rentrer dans l'ordre au final, en permettant à Woodrow de dire la vérité en public, ce qui va avoir pour effet d'émouvoir les gens. Il remet les choses en place en rappelant que les fameuses "bonnes fées", les six marines, sont après out eux d'authentiques héros, ce que personne ne songera à mettre en doute. Mais le mal est fait: on a ici une attaque satirique de mécanismes douteux, d'une société qui tend à privilégier les codes usés et artificiel de l'héroïsme préfabriqué, mais ne s'attache pas suffisamment à la vraie valeur de l'individu. Et comme souvent dans un film de Sturges, la communauté avance lorsque les gens commencent à penser par eux-mêmes au lieu de suivre la marche imposée.

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Published by François Massarelli - dans Preston Sturges