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24 août 2014 7 24 /08 /août /2014 17:58

Au beau milieu des années 20, un film Américain, qui plus est réalisé par DeMille, et qui présente les Bolcheviks sous un jour tolérant et raisonnable, tout en rappelant que les « russes blancs », les tsaristes avaient commis trop d’excès en matière d’infamie, justifiant ainsi la révolution Russe : c’est le Batelier de la Volga. Bien sur, d’une manière générale, le metteur en scène de ce mélodrame mouvementé tend à renvoyer les révolutionnaires et les amis de Nicolas II dos à dos, mais le film prend malgré tout le parti de montrer qu’un changement était nécessaire… Qu’on se rassure, la première intention de DeMille était de divertir, et cette fois il n’a pas failli.

Fédor, un batelier (William Boyd), jure de tout faire pour sortir son peuple de la ruine et de l’esclavage, et une fois la révolution venue, il envahit avec ses amis le château local afin de faire payer les nobles. Sommé par les siens de tuer une jeune aristocrate (Elinor Fair), il recule, étant tombé amoureux d’elle; il parvient à fuir en sa compagnie, et s’ensuivent maintes poursuites, d’un coté comme de l’autre, impliquant non seulement les deux héros mais aussi un jeune officier tsariste (Victor Varconi)et une paysanne (Julia Faye)vaguement amoureuse de Fédor, qui n’a de cesse, par jalousie de vouloir tuer la princesse. Autant d’ingrédients du mélodrame, qui sont pris aussi frontalement que possible; les péripéties sont enchaînées sans temps mort, et les choix de mise en scène sont d’une grande lisibilité : on est en plein cinéma populaire, sans génie, mais aussi sans prétention (Après l'insupportable et lourdingue The road to yesterday, ça s’imposait…). Le suspense propre au genre est très présent, malgré la faiblesse de certains acteurs (Varconi, importé d’Autriche, avait déjà été acteur chez Kertesz/Curtiz dans Sodome et Gommore et Le jeune Medard; on le retrouvera souvent chez DeMille.) et le rythme emporte l’adhésion. Certains efforts superflus débouchent sur des conséquences inattendues : DeMille a souhaité que les soldats tsaristes soient tous interprétés par des émigrés authentiques : on n’en demandait pas tant, surtout que l’ensemble du film est constamment invraisemblable. Mais le cinéaste a pu s’offrir une scène d’anthologie : la princesse, prise pour une paysanne, est dénudée par les soldats: on ne verra rien d’elle, seuls les visages des soldats, cadrés de plus en plus près, nous renseignent sur l’avancement de leur entreprise, qui est sans doute l'anecdote la plus proche du viol que se sera permise DeMille. Les visages, le montage, tout concourt à conférer à la séquence un suspense, ainsi qu’un inévitable sentiment fripon recherché par le vieux coquin qu’était ce bon Cecil… Ce déshabillage fait écho à une autre scène érotique, décidément l’un des forte de ce Puritain paradoxal: pour provoquer Fedor, la princesse Vera marque une croix sur son sein gauche afin de lui fournir une cible, ce qui va au contraire le décider à l’épargner.

En terme d’approximation, le film n’a rien à envier au Griffith de Orphans of the storm, mais le baroque permanent du film le rapprocherait plutôt du Rex Ingram de Scaramouche: les deux cinéastes partagent le même parti-pris pour la révolution, tout en se méfiant des foules révolutionnaires. Toutefois, celles de DeMille sont plus sympathiques, peuplées de ses vieux acteurs d’élection, notamment Julia Faye, qui doit son retour en grâce au renvoi de Jetta Goudal: Faye, après avoir joué des seconds rôles dans les comédies de 1917/1918, avait été rétrogradée en figurante et utilités diverses: ici, elle en fait des tonnes…

Bref, si on est loin des comédies de la grand époque, ce film d’aventures est très recommandable, et montre un juste milieu que DeMille n’a que rarement su atteindre en ces années 20 : de l’efficacité, quelques audaces, une certaine retenue, et surtout un refus de seprendre trop au sérieux, ce qui est trop souvent la grande maladie du cinéaste. Une dernière recommandation, toutefois : avant de voir ce film, il convient bien sur de laisser toutes ses connaissances historiques au vestiaire.

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Muet 1926 *