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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 09:41

La période muette de Jean Renoir, c'est un long moment expérimental, une sorte de prélude en forme bricoleuse à une carrière qui sera marquée souvent par l'impulsion et l'envie. A titre personnel, je trouve que certains des films du maître sont d'ailleurs bien pénibles à voir, en particulier son très lourd Nana (1926), ou son tout premier effort, La fille de l'eau (1924), qui sacrifie trop au genre (Le mélodrame onirique) et à la naïveté, avec une direction d'acteurs par trop erratique. Avant le film Tire-au-flanc (1928), qui en passant par la comédie franche va offrir au moins une oeuvre à sauver à la période, il y a aussi le cas de ce petit film, dont l'actuelle version disponible serait selon la légende tirée d'un long métrage bien plus long (Aux alentours d'une heure, ou un peu moins) alors qu'on ne dispose que de copies de 30 minutes. Celles-ci sont pourtant bien cohérentes, et le film apparaît complet...

Le conte d'Andersen est bien connu: une jeune fille obligée de rester dehors en plein hiver pour vendre des allumettes à des passants qui n'en veulent pas, finit par s'asseoir dans la neige et craquer des allumettes pour se réchauffer, avant de laisser le délire l'emmener vers la mort. Un sujet propice à explorer les possibilités de l'expression du contraste entre le monde réel et le rêve, ce qui intéressait Renoir ici (Il n'en était pas du reste à son coup d'essai, pour avoir mis en scène une séquence de rêve dans La fille de l'eau, le seul passage qui ait retenu l'attention). Tourné en studio, le film permet au metteur en scène de varier les moyens d'expression, et il explore les effets: surimpression, animation image-par-image, tout en expérimentant comme Dreyer au même moment avec la pellicule panchromatique (La passion de Jeanne D'Arc). Et les séquences de rêve sont ambitieuses, totalisant la moitié du métrage.

Là ou le bât blesse, c'est, comme d'habitude avec les premiers films du metteur en scène: Catherine Hessling. L'épouse (Plus pour très longtemps, du reste) de Renoir était la vedette de tous ses films, et elle n'était pas une actrice. Mécanique, excessive, trop vieille pour le rôle, elle ne convient pas, comme elle ne convenait à aucun des films qu'elle avait tournés avec son mari (A l'exception de Charleston, un court métrage dans la lignée d'Entr'acte) ou avec d'autres (Yvette, d'Alberto Cavalcanti, par exemple: cette manie de vouloir faire de Catherine Hessling une frêle héroïne de mélodrame, alors qu'elle était loin d'être Lillian Gish...). Donc si le film se laisse voir sans déplaisir, grâce à une délicate utilisation des effets, généralement bien rendus, et de bonnes idées pour le rêve dans lequel Karen est plongée dans le monde des jouets, on reste sur sa faim... Quant à la version intégrale de cinq bobines, non seulement on ne sait pas si elle a vraiment existé, mais surtout on se demande bien ce qu'il en manquerait, dans un film dont la narration est marquée par un sens de l'économie plutôt remarquable.

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Published by François Massarelli - dans Muet Jean Renoir 1928