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28 décembre 2014 7 28 /12 /décembre /2014 09:19

C'est avec ce film que Tim Burton va cimenter son style, et du même coup véritablement faire son entrée dans le cercle des auteurs, disons... singuliers. Soyons juste: certes, ce n'est en rien son premier film, le metteur en scène a été très actif durant cette décennie qui l'a vu passer de Disney (où il était animateur sur deux longs métrages dont nous tairons les noms) à la Warner, en passant par des courts métrages, des travaux pour la télévision, et bien sûr un premier long métrage, disons, particulier, Pee-Wee's big adventure. Mais ce qui a toujours fait le prix de Beetlejuice, en plus d'être un film franchement appréciable en tant que tel, c'est de nous donner à voir une matrice du style, de l'univers, de la thématique Burton. En quelques sorte, des films comme Mars Attacks!, Dark shadows, Sleepy hollow et le long métrage Frankenweenie viennent directement de celui-ci, avec lequel ils partagent un humour frontal, et une certaine tendance à méler de façon unique le fantastique parfois le plus morbide avec une peinture du quotidien le plus banal...

Les Maitland (Geena davis, Alec Baldwin) sont un jeune couple, qui a choisi de se délasser de la vie dans la grande ville (New York) en passant du temps au calme dans une petite ville du Connecticut où ils ont acheté une maison. Ils y coulent manifestement des jours sans histoires, madame décorant tranquillement la maison, pendant que Monsieur construit inlassablement une maquette de la ville. Il y a malgré tout une ombre semble-t-il persistante au tableau: ils n'ont pas d'enfant, malgré les tentatives, et n'en auront d'ailleurs jamais, puisque, on va vite l'apprendre, ils meurent au bout de quelques minutes dans le film, une mort idiote, mais radicale: bref, la mort. Dans un premier temps, il ne s'en aperçoivent même pas, puisque leur trépas les force à revenir à leur maison, mais ils se rendront vite compte que quelque chose a changé...

Très vite, le principal souci auquel ils devront faire face, en plus de s'adapter aux formalités et au quotidien liés au fait d'être mort, sera de voir arriver dans leur maison un couple de New Yorkais, avec une adolescente: Charles Deetz (Jeffrey Jones) cherche une évasion de la vie New-Yorkaise, sa seconde épouse Delia (Catherine O'Hara), une artiste du dimanche totalement snob, cherche l'inspiration et un endroit à recréer à son image, et sa fille Lydia (Winona Ryder), adolescente solitaire, toute habillée de noir, cherche à cultiver tranquillement son spleen en nourrissant une certaine haine raisonnable à l'égard de sa belle-mère. Les deux fantômes, normalement invisibles (sauf aux yeux de Lydia, qui va vite sympathiser avec eux), vont tout faire pour se débarrasser des opportuns, y compris pactiser avec l'innomable "bio-exorciste" Betelgeuse (prononcer -trois fois- Beetlejuice), interprété par Michael Keaton, qui a des moyens raadicaux mais indéfendables pour effrayer, voire pire, les vivants...

On le voit, Burton s'amuse avec les codes du cinéma fantastique comme il le refera souvent, en investissant sur un plateau de comédie familiale et bucolique, les abords de la mort, un au-delà qui, on ne s'en étonnera pas, n'a pas de place pour toute divinité, quelle qu'elle soit: un monde dangereux, fait de débrouillardise, de formalités, de rencontres hilarantes avec d'autres morts, qui ont tous conservé de leur passage vers l'infini une particularité, physique ou autre. Le visuel du cinéma d'épouvante est rapidement envahi par l'humour, à moins que ce ne soit le contraire. Pour le reste, Burton ne se distingue pas par le montage ou une mise en scène particulièrement voyante: il s'amuse à diriger ses acteurs en fonction de l'effet voulu, en privilégiant pour certains un surjeu bon enfant: Catherine O'Hara, Michael Keaton, Baldwin et Davis ont droit d'y aller franco... Et il installe une gaelrie de personnages qui reviendront, à travers la marâtre maléfique, le sbire (Otho, joué par Genn Shadix, est le décorateur attitré de Delia, et en fait une véritable sangsue), ou les marginaux, qui se détachent du lot par certains codes vestimentaires: le noir et blanc domine, ils sont décalés par de nombreux détails: condamnés à "vivre" leur mort dans les vêtements de leur mort, comme Barbara et Adam, portant un costume fait de bandes noires verticales sur un fond blanc (Betelgeuse), ou tout simplement de noir vêtue par choix culturel (Lydia). Tout ce petit monde s'agite, en une sorte de lutte entre normalité et monde de l'au-delà, pour notre plus grand plaisir. Et Burton s'attache à pourfendre la normalité en attaquant une certaine Amérique, conformiste et prétentieuse, à travers les personnages de M. et Mme Deetz, le businessman venu se reposer et qui voit très vite le délire de l'appropriation dans le but de faire du dollar le reprendre, tandis que son épouse s'évertue à n'exister qu'en créant des horreurs prétentieuses, tout en détruisant ce qui est beau chez les autres. Il oppose des petites gens, qui n'ont certes pas grand chose pour eux, et le monde d'une certaine élite, qui s'en prend plein la figure... Mars Attacks! ne fera pas grand chose de plus, quelques années plus tard. Et là encore, comme ici, Burton "sauvera" quelques humains du jeu de massacre.

Rondement mené (le film totalise 92 minutes), parfaitement mis en musique par le désormais complice de (presque) tous les films Danny Elfman, Beetlejuice est donc aujourd'hui comme hier le meilleur moyen de commencer à se familiariser avec le style et l'univers de Tim Burton, un monde hanté par des fantômes tous distinctifs, dans lequel l'animation en volumes, image-par-image (de très loin le mode d'animation préféré d'un Burton qui a pourtant grandi à Burbank, le royaume de l'animation en 2D, le paradis de Disney et de la Warner), se confronte à des prises de vue réelles, dans lesquelles on demande à des acteurs d'interpréter une scène de repas au cours de laquelle ils doivent démontrer qu'ils sont possédés... Par une chanson de Harry Belafonte. Ca ne s'invente pas... Et puis il y a le mal poli Betelgeuse, interprété par Michael Keaton en roue libre, dont on peut se demander quelle mouche a piqué Tim Burton pour qu'il lui demande ensuite d'être Batman, mais ça c'est une autre histoire...

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton