Après des années 60 largement dominées par les succès (Breakfast at Tiffany's, Days of wine and roses, The Pink Panther, The Party), Darling Lili a du sembler à Blake Edwards comme un réveil difficile... le film a été un échec cuisant, et a mis fin à une période de tranquillité du metteur en scène qui parvenait à faire aboutir ses projets de façon indépendante. Les films suivants seront marqués par des interférences des studios, notamment la MGM sur Wild Rovers et The Carey treatment, et le succès ne reviendra vraiment qu'avec le grand retour de Peter Sellers, et de l'inévitable Panthère Rose, en 1975 (The return of the Pink Panther)... Si ce film est bien celui qui a sans doute le plus pâti de relations difficiles entre le metteur en scène et un studio (En l'occurence la Paramount), on peut sans doute aisément deviner quel est le problème, en voyant une copie complète de la version sortie en 1970... et minimiser l'impression d'échec.
1917; Lili Smith (Julie Andrews) est une vedette adulée de la scène Anglaise, qui ne manque pas une occasion d'afficher son soutien aux troupes alliées. Mais Lili, dont le père s'appelait Schmidt, et en fait une espionne Allemande, profitant des meilleures tables auxquelles elle est conviée (Tout l'état-major la courtise) pour passer des renseignements aux espions de l'Empire... La mission qui l'attend au moment où le film commence est de coller aux basques du Major Larrabee (Rock Hudson), un as de l'aviation... Mais va-t-elle pouvoir le faire sans tomber amoureuse? Et le bel aviateur est-il vraiment sincère?
Darling Lili commence et finit par des chansons, et est souvent considéré comme un musical (Comme Victor Victoria, du reste), ce qu'il n'est pas. Voilà qui en tout cas met bien en valeur l'importance des chansons de Julie Andrews dans le film, entièrement conçu autour d'elle par un jeune mari très amoureux. On peut d'ailleurs s'interroger sur le choix de faire de Julie Andrews, si marquée dans l'inconscient collectif par ses rôles dans Mary Poppins et The Sound of music, pour interpréter une Mata Hari, mais selon moi l'actrice n'est pas en cause, elle joue son rôle avec énergie, et est absolument adorable en mode 1917... Mais le film ne se contente pas d'être une évocation de la France en pleine guerre mondiale, ni un film chanté, il est aussi une comédie, avec l'irruption fréquente de personnages qui proviennent de la galerie d'hurluberlus de Blake Edwards, notamment les deux policiers Français déjà souvent vus en d'autres films, André Maranne et Jacques Marin, ou encore, un aviateur saoul comme un cochon (Lance Percival). Plus que du comic relief, ces trois personnages apportent une véritable perturbation de l'intrigue... Et comme Edwards a confié à sa seconde équipe le soin de tourner des plans acrobatiques dans les airs pour y figurer les affrontements entre l'escadron de Larrabee et le fameux "Baron rouge" Von Richtoffen, le film s'enrichit... Ou s'alourdit selon les points de vue.
Mais le pire, c'est que si on comprend l'embarras de la Paramount devant ce qui ressemble essentiellement à un caprice sérieusement hors des modes, d'un réalisateur légitimement amoureux de sa star, le film n'est pas mauvais, et se laisse voir. Certes, dans sa version intégrale de 143 minutes (Quoiqu'une rumeur persistante fait état d'une version de 190 minutes, mais ça me semble bien louche...), le film est trop long, mais ce mélange des genres, bien dans l'esprit d'Edwards, et dont l'allure est aujourd'hui impeccable, avec ses costumes, ses décors naturels et son interprétation, vaut bien plus que d'être le vilain petit canard de la filmographie de Julie Andrews et de son mari. Et il plane sur ce film comme un soupçon d'avant-gout d'une revanche que les deux artistes prendront 13 ans plus tard avec l'admirable Victor Victoria, non sans avoir au préalable réglé leurs comptes avec les studios dans le très caustique S.O.B.