"If it's a good picture, it's a MIRACLE (Si c'est un bon film, c'est un miracle!)", c'est donc par ces mots que commence le film, devise du studio fictif dont on nous raconte l'histoire... Cette petite blague facile mais de bon aloi est un emprunt, à Tex Avery pour être précis: dans Daffy Duck In Hollywood(1938), le canard maudit ruine les plans d'un metteur en scène porcin qui travaille pour la Wonder Pictures Corporation et la devise du studio est "If it's a good picture, it's a Wonder", qui veut dire approximativement la même chose.
Réalisé en deux minutes cinquante avec des acteurs payés trois dollars l'année, ou presque, ce film de série B est en réalité d'un réjouissant second degré. Réutilisant sans vergogne des rushes et extraits d'autres films de l'écurie Corman, il raconte les désastreux tournages de films de série Z, et ressemble à une auto-parodie non dénuée de sado-masochisme du monde des drive-ins. Et puis il y a les meurtres gratuits, les cascades mal foutues, les gags ahurissants, et le sens déja consommé de Dante pour le décalage, plus inévitablement la nudité abondante, gratuite et parfois humide.
A la base de l'existence du film, on trouve deux facteurs: d'une part, Roger Corman, patron de New World pictures, est tout à fait disposé à laisser ses techniciens tenter l'aventure d'un tournage, et de l'autre, il encourage ses metteurs en scène à constamment réutiliser un maximum de plans de ses propres films afin de gagner du temps et de l'argent. De la sorte, il produit des films aussi peu chers que finalement rentables. Dante a par exemple révélé que ce film a du coùter environ 50 000 dollars, et que c'est le prix exact qui a été payé par un distributeur pour le montrer en Espagne... Dante et Arkush sont les deux monteurs de bande-annonces du studio au moment ou ils ont l'idée saugrenue de faire ce film; comme Daffy Duck in Hollywood, il s'agit d'une parodie du monde de la confection cinématographique... Comme le cartoon en question, ils vont mettre bout à bout des extraits d'autres films et presque faire du sens... Ce qu'ils font depuis un certain temps en tricotant des bande-annonces!
Il raconte plus ou moins l'histoire de Candy, une jeune femme qui veut absolument percer à Hollywood, mais le seul agent à accepter de travailler avec elle (Dick Miller, l'acteur fétiche de Dante) la met en contact avec Miracle pictures, qui vient de perdre une cascadeuse dans des circonstances tragiques (Et un peu rigolotes aussi, voir plus loin). Candy vient donc avec réticences pour faire la cascadeuse, mais ne tarde pas à interpréter aussi quelques rôles, et des scènes pas vraiment shakespeariennes, en compagnie de ses copines. Mais l'une d'entre elles est tuée lors d'un tournage, par une balle: une arme a été chargée par mégarde. A moins que...?
La première scène est peut-être le meilleur moment du film: une équipe de tournage s'affaire au sol, pendant que des cascadeurs font du sky-diving. Parmi les spectateurs, Mary est la star du film, et l'une des cascadeuses la double. Mais son parachute ne s'ouvre pas, et... Elle laisse un bon gros trou de cartoon dans le sol. Les personnes présentes décrètent qu'il faut lui trouver une remplaçante, car Mary, comme les autres femmes dans les films à deux balles réalisés par le studio, est amenée à tourner des rôles de femmes actives, très actives: morts violentes, déshabillages intensifs, gros flingues, tout y passe. Comme dans les films de Roger Corman, quoi! Dante et Arkush ne se sont pas contentés de recycler tout un pan de l'oeuvre cormanienne (dont des films aux titres aussi gracieux que Behind the dollhouse, Big bad mama, Death race 2000 ou The terror), ils ont aussi recréé l'esprit du studio sans aucune retenue. La gratuité abonde dans le film, qui devient un commentaire extrêmement approprié du monde un peu délirant de la New World pictures... Impossible à juger par trop de second degré, Hollywood Boulevard se regarde avec l'esprit aussi ouvert que possible, c'est le seul film au monde qui donne du sens à l'image d'un dinosaure en plastique qui lit un scénario sur des toilettes en plein air. Le seul film aussi qui crédite, à ma connaissance, un acteur Japonais et un seul pour jouer le rôle de tous les Philippins du film, d'ailleurs tirés d'un autre film. Le seul aussi dans lequel, afin de coïncider avec les extraits de films qu'il utilisaient, les metteurs en scène aient demandé à une actrice conduisant une voiture de quitter le volant pour monter sur le capot, sans aucune autre raison que le fait qu'ils allaient utiliser un plan d'action dans lequel on voit une voiture rouler à tombeau ouvert avec une fille sur le capot... Bref, ce film a été diversement reçu, on s'en doute: la critique préférée de Dante, fréquemment citée, demandait à ce que Hollywood Boulevard soit enterré sous une chappe de ciment.