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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 17:42

Le cinquième film de Mann, L.A. Takedown, a été tourné pour la télévision, et reposait sur un scénario écrit depuis au moins dix ans. Frustré d'avoir en partie gâché une bonne idée, le metteur en scène a pris la décision de le recycler pour le cinéma, en apportant dans la balance un atout de poids: une confrontation entre rien moins que De Niro et Pacino! Mais si L.A. Takedown fournit la matière première principale, le nouveau film s'étend quasiment sur le double de sa durée. Les scènes-clés du premier effort sont ici répliquées, en plus spectaculaire, mais ce qu'on peut retenir de cette revisite, c'est la façon dont Mann va explorer tous les facteurs humains de son intrigue, pour déboucher sur un opéra triste, moral, et absolument magnifique...

Un groupe de malfaiteurs braque le camion d'un convoyeur de fonds. Tout va bien, sauf qu'un des braqueurs, à la gâchette facile, se laisse aller à s'en prendre à un des gardiens. Le ton monte, il l'exécute, du coup les bandits sont obligés de faire le vide et de tuer tous les autres... C'est le début d'un engrenage dans lequel tous vont se faire avoir... L'affaire est confiée à Vincent Hanna (Al Pacino), un dur efficace et clairvoyant, et son équipe. Très vite, ils vont repérer les agissements de la bande, mais plutôt que de les coincer, ils ne vont pas relâcher leur surveillance afin de les coincer sur un gros coup. De leur côté, les cambrioleurs, bien sur, ont vite repéré le ménage de la police, mais ils décident de tenter le tout pour le tout. Bien vite, Hanna voit bien que son principal antagoniste, un certain Neil Macauley (Robert De Niro), n'est pas n'importe qui...

Plutôt que de se contenter de comparer ce film à L.A. Takedown, je pense qu'on peut sans risque aller voir du côté du Cercle rouge les correspondances: et de fait, Heat est peut-être le plus Melvillien des films de Mann. De Niro, gangster quadragénaire, sait très bien qu'il ne pourra plus sans sortir et survivre longtemps sans aller en prison, et il est clair dans son esprit qu'il n'y retournera pas. Il caresse bien l'espoir d'aller un jour dans les îles Fidji, mais c'est sans doute pour la forme. Pourtant, autour de lui, ses collaborateurs sont tous en couple, certains sont mariés (Y compris son petit protégé, Chris, interprété par Val Kilmer, et qui a besoin qu'on s'occupe de lui: il est héroïnomane), ont des enfants... Neil, lui, a bien l'espoir de faire un bout de chemin avec une jeune femme, Eady, rencontrée lors de ses repérages. Elle ne sait pas qui il est, et il parvient à lui mentir un temps...mais c'est très temporaire tout ça. Ironiquement, les gangsters sont tous plus stables que les policiers, devenus accros à leur travail, et qui passent plus de temps ensemble qu'avec leurs femmes. C'est la leçon amère que retiendra Vincent qui voit son mariage (Le troisième!) se désagréger. Et l'impensable artive: au beau milieu du film, les deux protagonistes vont se retrouver, parler, à coeur ouvert, de leurs vies, leurs frustrations, leurs projets au sens large... et de la marche à suivre quand ils se retrouveront face à face dans le cadre de leurs professions respectives!

Mais Heat n'est pas que cette évocation mélancolique majeure, ou un film qui laisse parler le temps qui passe (170 minutes, on peut dire que Mann s'est donné la distance pour raconter tout ce qu'il a sur le coeur), c'est aussi un film qui laisse parler la poudre. Définition impressionnante du mot "efficacité", possède en son coeur une fusillade exemplaire de 6 minutes dans laquelle le feu s'abat sur tous, qui va laisser du monde sur le carreau. On a eu environ deux heures pour s'y préparer, on connaît tout et tous, et qui pourrait dire qu'on a vraiment un camp à choisir entre ces pères de famille aimants qui viennent de braquer une banque, et ces fonctionnaires sous-payés mais qui aiment leur métier, tous confrontés les uns aux autres dans une scène qui épuise tant de balles qu'on se demande comment il en reste encore à la fin... La violence sous-jacente, le côté sale du crime, l'aliénation d'une grande cité, le fait que voler est aussi un acte de révolte, toutes les interprétations sont possibles... A vous de choisir

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann