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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 08:57

The eagle est adapté par Hans Kräly d'un roman inachevé de Pouchkine, lui-même lointainement inspiré de Robin Hood. Le roman commençait dans l'aventure avant de sombrer dans la tragédie... Ce qui est loin d'être le cas avec ce film, qui commence tambour battant, une fois le générique terminé, par une scène d'action en guise d'exposition: la Tzarine Catherine II de Russie sort de son palais, assistant avec satisfaction à l'entrainement de ses gardes. Mais le peloton qui s'exerce a des effets imprévus, car la détonation effraie le cheval de l'impératrice, et l'attelage d'une voiture qui passait par là. Le lieutenant Dubrovski, un jeune et valeureux Cosaque, se précipite pour attraper le cheval et venir en aide aux passagers du véhicule. Parmi elles, une fort jolie jeune femme, qui ne laisse évidemment pas le jeune héros indifférent. La Tzarine, en récompense, offre à Dubrovski de devenir général, mais celui-ci est fort embarrassé quand il constate que ça implique de coucher avec elle. Il prend la fuite, et va désormais devoir se cacher; il apprend peu avant sa fuite que son père a été exproprié par les manoeuvres de son voisin, Kyrilla, et décide de consacrer son temps désormais libre à venger l'honneur de sa famille. Avec des serfs et de paysans qui lui sont restés fidèles, Dubrovski devient l'Aigle noir, et va s'attaquer à Kyrilla, ne sachant pas qu'il a déjà rencontré sa fille, la belle inconnue qu'il avait secouru...

Rudolf Valentino devenait indépendant avec ce film, et pouvait enfin contrôler un peu plus le devenir de ces films, et après les nombreux mélos de seconde zone qu'il avait interprétés notamment à la Paramount, réalisés le plus souvent sans imagination, il trouve en Clarence Brown un réalisateur qui va enfin le servir avec classe et un peu plus que du métier. Car ce film est, enfin, une oeuvre qui se rappelle que le cinéma, c'est d'abord de l'image... Et ça bouge, en effet, même si c'est plus raisonnable que bien des films de Douglas Fairbanks, mais l'intrigue adoucie et truffée de comédie de cette inattendue adaptation de Pouchkine est cousine des longs métrages extravagants de l'auteur du Voleur de Bagdad... Une envie de Valentino, après tant de films à faire le joli coeur, qui souhaitait donner un nouveau départ à sa carrière maintenant qu'il était en contrat avec la United Artists. En résulte un film mené tambour battant, avec de nombreuses touches de mise en scène qui impliquent le passage des émotions, mais aussi de nombreuses informations, par l'image seulement; les petites touches de Clarence Brown, comme le gros plan des deux mains de Vladimir Dubrovski et de sa fiancée auxquelles on passe une alliance, avant que le prêtre ne réalise qu'il s'est trompé d'alliance, et ne les replace, sont autant de petits détails précieux, ce qui ne l'empêche pas de trouver d'autres idées plus amples: on connait dans ce film le long passage de la caméra sur une table envahie par un festin, mais il faut aussi signaler le plan superbe qui nous informe de la mort du père Dubrovski: la famille, les paysans et amis sont réunis auprès du mourant, et on les voit de face, le malade étant hors champ. Tout à coup, ils s'agenouillent, et disparaissent tous du champ; la caméra alors s'avance vers une fenêtre qui nous montre le jour vieillissant, puis la séquence est fondue au noir. Aucun intertitre n'est utilisé dans le film pour fournir une information que l'image peut véhiculer toute seule...

L'interprétation est splendide, et la production n'a pas ménagé ses efforts: outre bien sûr l'inévitable Valentino qui est excellent, James Marcus interprète Kyrilla, beaucoup plus un méchant de pacotille qu'autre chose, et il fournit beaucoup de comédie. Par contraste, Vilma Banky qui joue sa fille est bien sûr plus sérieuse, mais ce n'est en rien une potiche: lorsque Dubrovski s'est introduit dans la maison, elle sait qu'il trame quelque chose, et elle va elle aussi participer activement à l'intrigue, à sa façon. Louise Dresser joue l'impératrice, et elle est fantastique, elle aussi servie par un découpage qui évite les redondances des intertitres. Clarence Brown se souviendra d'elle, à qui il confiera peu après le premier rôle de The goose woman, un film ambitieux... Vu aujourd'hui dans une bonne copie, ce qui n'est pas gagné puisque le film est dans le domaine public, The eagle est bien là pour démentir la rumeur parfois vérifiable (Blood and sand, Cobra...) selon laquelle Valentino était un poids léger, mais il faut rappeler que ce film très réussi est justement du à la volonté du jeune acteur de prendre son destin en main. Il n'en est que plus tragique que les jours lui aient été comptés.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1925 Clarence Brown **