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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 09:29
Agent Carter (Louis D'Esposito, Christopher Markus, Stephen McFeely, 2015)

De toute la galaxie Marvel actuellement disponible sur nos écrans, les joyaux de la couronne ne sont pas pour moi les longs métrages de plus en plus calibrés, qui me semblent certes sympathiques, mais qui maintiennent de plus en plus une flamme artificielle entre le public et les décideurs du studio. On ne s'y retrouve plus... Le paradoxe, c'est que les deux séries créées à partir de l'univers Marvel, diffusées toutes les deux sur la chaîne ABC et supposées remplir quelques espaces narratifs laissés vacants par les longs métrages, sont en fait les fictions les plus excitantes, et les plus improbables du lot. C'est vrai pour Marvel's agents of S.H.I.E.L.D., réalisée sous le haut patronage de Joss Whedon, mais due essentiellement à son frère Jed et la petite amie de celui-ci, Maurissa Tancharoen. Ils ont repris pour eux la thématique Whedonienne de la famille, cet espace fragile et propice aux ennuis, et l'ont adapté à cette équipe de baroudeurs de luxe dont la tâche principale est de nettoyer derrière les passages des Avengers. De plus en plus sombre au fur et à mesure des développements de ses deux saisons, la série suit les développements de l'univers Marvel et s'y adapte en proposant des coulisses superbes... Et nettement plus intéressantes que bien des films.

Mais ce qui nous occupe ici, c'est l'autre série: là où Agents of S.H.I.E.L.D. est traitée comme une série classique, se déroulant sur 22 épisodes par saison (A l'instar des séries mythiques de Joss Whedon, Buffy the vampire slayer et Angel), Agent Carter a été crée pour boucher un trou: durant la trève hivernale de Agents of S.H.I.E.L.D., ABC s'est saisie de l'occasion pour diffuser les huit épisodes de ce petit retour en arrière, basé bien sur sur le final de Captain America, the first avenger, réalisé par Joe Johnston. On se rappelle (Si on a vu le film, bien sur) que Captain America y est porté disparu pour l'Amérique de 1945, lors de son naufrage au Pôle Nord, alors qu'il est en liaison radio avec sa petite amie, l'agent Carter, qui l'a guidé et aidé dans ses missions durant le film. C'est de là que part la série, tout comme le court métrage Agent Carter (Dont pour l'instant le script est incompatible avec les événements de la série telle qu'elle existe dans sa première saison) réalisé par Louis D'Esposito en 2012, et qui sert essentiellement de pilote à la série, sans y être inséré. En 1946, nous retrouvons l'Agent Carter (Hayley Atwell, qui reprend son rôle du film), qui est maintenue par les agents du SSR (Strategic Scientific Reserve, cette officine créée dans l'univers Marvel par Roosevelt, et qui développé le programme de "super-soldats" dont Captain America allait découler) dans une condition de subalterne: c'est une femme, elle est donc supposée devoir sa promotion à ses rapports avec Captain America, on ne lui confie pas de missions plus importantes que de classer les dossiers, faire du café, etc... Elle ronge son frein, et va faire une rencontre déterminante: Howard Stark (Dominic Cooper) va en effet être victime d'un coup monté, qui va faire de lui l'ennemi public numéro un. Mais le milliardaire, qui contrairement à tous les hommes qui entourent Carter, se rappelle de la valeur de l'agent Britannique, lui confie la charge de le disculper auprès de ses supérieurs. Comme il est impensable pour les hommes qui entourent la belle brune de lui confier la moindre mission "pour hommes", elle va donc le faire dans l'ombre, aidée de Jarvis (James D'Arcy), le majordome tous terrains de Stark... qui avec sa réserve toute Britannique, aura du mal à se faire aux méthodes musclées de la super-agente.

Tous les hommes qui entourent l'agent Carter ont un défaut: Stark, bien sur, est sur de lui, et est un obsédé sexuel de première classe. Jarvis est réservé sur tout, et réticent face à l'action, sans compter sa vie pépère d'homme marié qui n'a de cesse de rentrer chez lui pour faire la cuisine, ce qui semble incompatible avec le fait de se battre et de se trouver au milieu d'explosions variées. Les autres personnages masculins ont tous aussi leurs talons d'Achille (Si on met de leur côté leur misogynie galopante): Le chef Dooley (Shea Wigham, fantastique comme toujours) est rongé par une vie conjugale en lambeaux qui le pousse à se comporter en mâle dominant face à Peggy Carter; son second, Jack Thompson (Chad Michael Murray), est vaguement amoureux de Carter, mais gâche tout en se comportant en homme protecteur face à elle, et en se laissant guider par une ambition dévorante. Plus, s'il est comme Carter un vétéran de la seconde guerre mondiale, il cache un secret difficile à avouer sur son héroïsme. Enfin, Daniel Sousa (Enver Gjokaj, découvert par Joss Whedon, dans Dollhouse) est un homme qui semble comprendre l'agent Carter, jusqu'à un certain point: il est lui aussi revenu de la guerre avec des séquelles, à savoir une jambe farcie de plomb qui lui impose de porter une béquille et de subir le complexe de supériorité de l'agent Thompson. Mais lui aussi va inévitablement se méprendre sur l'agent Carter, et la prendre pour une faible femme à défendre... avant de se tromper encore plus en la croyant coupable de traîtrise.

Face à ce monde masculin en crise, l'Agent Carter porte haut les couleurs d'une féminité combattante, efficace et intelligente, même si elle aussi porte son étendard de femme blessée, mais essentiellement dans ses sentiments: elle a perdu l'homme de sa vie, et ne s'en remettra jamais. Malins, les scénaristes se sont efforcés de placer quand même le Captain America, même absent physiquement, au coeur de l'action, via une des nombreuses inventions de l'excentrique Howard Stark, et dans un final cathartique. Mais les déboires "civils" de Peggy Carter dans l'Amérique de 1946 ne sont pas oubliés, notamment le fait de devoir trouver un logement à New York quand on est une femme seule et respectable: Peggy trouve d'abord un appartement en colocation, mais va devoir l'abandonner lorsque sa colocataire est retrouvée exécutée par un espion d'en face. Non seulement ça oblige Carter à s'installer dans une pouponnière pour jeunes femmes comme il faut, une pension ultra-rigoriste (Ce qui est difficilement compatible avec la vie tumultueuse d'une espionne), mais ça lui donne aussi un regard résigné sur son impossibilité à développer une relation avec une personne étrangère à ses activités, qui serait immédiatement mis en danger: le fameux complexe des super-héros, une fois de plus... Femme et agent secret en 1945, cette super-héroïne (Toujours impeccable, pas de costume super-crétin à la Wonder Woman heureusement) a du fil à retordre dans ce monde de néandertaliens, de fascistes invétérés, et de mâles obsédés par l'illusion de supériorité que leur donne leur extrémité. D'autant qu'elle va tomber sur des ennemis (Devinez leur nationalité, sachant qu'on est en 1945...) qui ont une longueur d'avance, puisqu'il utilisent des super-espionnes formées à la dure, et qui sont virtuellement imbattables. Bref, l'avenir est à la femme... Ou devrait l'être.

La réalisation doit tout à ce court métrage séminal de Louis D'Esposito, développé dans le cadre désormais abandonné des Marvel One-Shots, des courts métrages qui servaient de bonus de luxe sur cinq DVD de la série des longs métrages Marvel. Le film jouait comme Captain America The first Avenger sur le décalage entre l'univers Marvel et l'Amérique de 1945, dont l'utilisation d'éclairages francs et massifs, de couleurs primaires, et des codes vestimentaires et langagiers contemporains donnaient une impression de patine vintage qui faisait beaucoup pour le charme du film. Avec l'Agent Carter (Dont le premier épisode est lui aussi réalisé par D'Esposito, qui imprime son style direct et "vintage" sur toute la série), on retrouve cet aspect proche du ton des Indiana Jones de Tonton Spielberg et Tonton Lucas... Un sentiment diffus d'assister à un spectacle à l'ancienne, sans grand enjeu, mais diablement distrayant. Les Russes y font un ennemi parfait, à ne surtout pas prendre au sérieux: on est dans de un méta-univers... De l'humour, de l'action, des surprises, des personnages attachants... En huit épisodes, la production de la série ne se développe par sur une multitude d'intrigue, mais propose à peu près le développement qui serait celui d'un solide long métrage, dont je répète qu'il serait inévitablement supérieur à bien des films Marvel: pour commencer, Agent Carter ne cache en rien son statut de petite production à part, dont le but est de s'amuser et d'amuser, sans pour autant se prendre au sérieux en faisant semblant de ne pas se prendre au sérieux, comme tant de films. Bref, un OTNI, Objet Télévisuel Non Identifié, qui est amené, pour une deuxième saison (De dix épisodes cette fois) à être complété dans l'avenir. Peut-être pas pour longtemps, mais tant que cette série existe, il faut en profiter...

Agent Carter (Louis D'Esposito, Christopher Markus, Stephen McFeely, 2015)
Agent Carter (Louis D'Esposito, Christopher Markus, Stephen McFeely, 2015)
Agent Carter (Louis D'Esposito, Christopher Markus, Stephen McFeely, 2015)
Agent Carter (Louis D'Esposito, Christopher Markus, Stephen McFeely, 2015)
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Published by François Massarelli - dans Television Marvel