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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 18:34

Ce film très controversé est le troisième des westerns de Michael Curtiz avec Errol Flynn. Ce dernier y interprète le personnage historique de Jeb Stuart, un militaire sudiste qui a bien, comme le dit le film, été à West Point avec Custer, mais qui est ici bien plus romantique que son modèle. L'histoire est surtout celle de John Brown (Raymond Massey), un prédicateur fanatique qui trouvait que les anti-esclavagistes prenaient bien trop leur temps pour passer à l'action contre le Sud, et qui a été un important agitateur durant la décennie qui a précédé la guerre civile.

Si des gens (nordistes, dont le fameux Custer -Ronald Reagan- dans le film) ont eu tendance à le suivre ou l'excuser, il était malgré tout considéré comme un dangereux terroriste: il souhaitait tout simplement libérer tous les esclaves, par la force s'il le fallait. Flynn-Stuart (Ce dernier était effectivement esclavagiste dans la réalité) adopte une position légitimiste: ce n'est pas à une initiative privée de trancher entre les états du Sud et ceux du Nord. Le sous-entendu est clair: c'est à un président démocratiquement élu de le faire...

Ce que Lincoln fera d'ailleurs, mais ça n'a pas du plaire à Jeb Stuart!

Fidèle à son habitude, Curtiz n'a que faire de la politique, par ailleurs très ambigue, de ce film: les seuls politiciens présents sont le Général Lee, et un ministre de l'administration démocrate qui précéda Lincoln, du nom de Jefferson Davis. Le premier est connu pour avoir rejoint le Sud dont il était originaire au moment de la guerre de Sécession, et avoir embrassé la cause des esclavagistes alors qu'il n'en était pas un partisan... Le deuxième est surtout connu pour avoir été le président de la confédération du Sud durant la guerre.

Le scénario rappelle la sympathie toujours observée aux Etats-Unis non pour la cause de l'esclavage, mais pour la défense par les états du Sud de leur légitimité; ce que Curtiz met en valeur, c'est le destin de tous ces gens, la marque de John Brown qui en fait un futur pendu, ou la visite de tous les jeunes soldats à une voyante Indienne, qui leur annonce leur "brouille": celle-ci, dit-elle, a déjà commencé et fera d'eux des ennemis mortels.

John Brown a permis d'allumer le feu de la guerre civile; en attendant, Curtiz nous montre les uns et les autres qui vont devoir choisir leur camp et s'entre-déchirer s'il le faut; un thème typique de ses films de la période, donc, même si le metteur en scène, fidèle à son habitude, reste neutre, et nous décrit des Etats-Unis en proie au chaos. Il se laisse volontiers aller à quelques séquences baroques, et Raymond Massey a beau être le méchant de l'affaire, le dernier mot lui revient: il sait que le destin l'a choisi pour entamer ce conflit, et bien qu'on célèbre un mariage (dans un train en marche, tout un symbole! Et avant que vous ne posiez la question, oui, c'est bien Olivia De Havilland...), c'est vers une guerre nécessaire que les Etats-Unis se dirigent.

On passera sur le traitement des noirs dans le film, désignés naturellement comme des esclaves dans un train où les braves gens s'offusquent de leur présence, ou se rendant eux-mêmes à la conclusion que la liberté que leur promet Brown n'est pas tant plaisante, et que dans ce cas ils préfèrent retourner à la servitude! Il n'y avait pas vraiment de progressisme à attendre en matière d'ethnicité de la part des dirigeants de la Warner en 1940, et Curtiz continuait à filmer en contournant les obstacles avec prudence!

Ce que le film ne dit jamais, mais sous-entend, tant par les prédications foldingues de Brown que par la prudence du soldat Jeb Stuart, c'est que la raison pour laquelle les USA ont tardé à régler leur problème d'esclavage, c'est que les gouvernements qui ont précédé Lincoln étaient trop timorés pour faire quoi que ce soit: Le statu quo observé dans le film a duré 40 ans... Il ne faut sans doute pas trop s'attacher à la politique de ce film, pas plus qu'à celle de Casablanca ou Passage to Marseille; mais il recèle de nombreux détails, visibles ou non, qui en font un film Curtizien très classique, même mineur.

 

The Santa Fe Trail (Michael Curtiz, 1940)
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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Western Olivia de Havilland