Avec une réalisation d'Allan Dwan, un scénario de Frank Tuttle et la photo d'Arthur Rosson, on peut considérer Gloria Swanson fort bien entourée... Et ce qui frappe, dès le début du film, c'est l'excellente tenue du slapstick proposé; car en effet, après avoir été sur 5 films la muse de Cecil B. DeMille, puis celle de Sam Wood, dont les films ont eux aussi contribué à forger une image distante de star intouchable pour la belle actrice, Allan Dwan a décidé de changer un peu les choses. Dans Manhandled, on retrouve un thème exploré à deux reprises par DeMille, dans The golden chance d'une part, puis dans son remake Forbidden fruit: la différence impossible à réduire entre les gens de la bonne société et les autres. Et sous couvert, dans les deux films, de vaguement critiquer les riches pour leur côté hautain, on se retrouvait finalement avec les pires clichés sociaux, les pauvres étant finalement destiné à la canaille, l'alcoolisme et la médiocrité... Avec Manhandled, Dwan est honnête, et il est aussi assez proche d'un Harold Lloyd (Safety last, bien sûr) dans sa peinture d'une Amérique moderne, en mouvement, dans laquelle les opportunités sont finalement offertes, il faut donc savoir les saisir au bond...
Tessie (Gloria Swanson) et Jim (Tom Moore) sont deux amoureux de la classe ouvrière. Elle est vendeuse dans un grand magasin, et lui plombier. Il est ambitieux, inventeur à ses heures, et il tente de tout faire pour décrocher un brevet sur une de ses trouvailles. Le résultat c'est qu'il a moins de temps pour sa fiancée. Donc un soir, celle-ci est invitée (Ou réquisitionnée...) par le fils de son patron, le playboy Chip Thorndyke (Arthur Housman), pour se rendre à une soirée où elle va être confrontée à des gens de la très bonne société, dont un sculpteur qui l'engage afin qu'elle pose pour lui, car elle l'a subjuguée. Puis après une expérience malheureuse (Le grand artiste ayant les mains baladeuses), elle est engagée pour un travail inattendu, celui qui consiste à prétendre être une riche héritière Russe... Mais pendant ce temps, Jim ronge son frein...
Le film commence par quinze minutes de mouvement, de gags observés finement, essentiellement consacrés à la vie quotidienne de Tessie. C'est une belle surprise, et une belle revanche pour celle qui a tant incarné de comtesses et autres bourgeoises à salle de bain géantes. Elle est excellente dans la comédie dite "physique", et ce n'est après tout pas une très grande surprise pour une actrice venue de chez Sennett. Et Dwan joue à fond la carte de la comédie sophistiquée sur le reste du film, le ton restant très léger...
Mais la charge est là, bien là: ces gens qui en engagent d'autres pour jouer le rôle de personnalités inexistantes, ou qui tentent de créer un art "uniquement plastique", sont aussi vides que leurs créations, et force reste ici aux deux protagonistes de la classe ouvrière, Gloria Swanson (Ironiquement, future Marquise de la Falaise, mais c'est une autre histoire) et Tom Moore. Un joli film, qui confirme décidément l'intérêt de redécouvrir les oeuvres muettes d'Allan Dwan. Et sinon, ce film est une rare occasion de découvrir Arthur Housman sobre. Pour qui l'a vu chez Laurel et Hardy, ou dans Sunrise, c'est assez étonnant.