On a retrouvé en juin 2015 la bobine manquante de ce film qui en contenait deux; il ne subsistait donc de la pièce de résistance de The battle of the century, donc, que quatre minutes environ, sauvegardées d'une copie depuis longtemps disparue. On a un film à peu près complet, dont seul manque la fin de la première bobine, une séquence qui devait durer à peu près 3 minutes dans laquelle Laurel et Hardy sont confrontés à Eugene Pallette.
Laurel est un boxeur minable, dont le manager Hardy a réussi à négocier un match avec un champion (Noah Young). Devant les problèmes financiers qui suivent l’inévitable nullité de sa prestation, ils conviennent avec un escroc (Eugene Pallette, dans la scène manquante) de récupérer de l’argent en concoctant une escroquerie à l’assurance. Laurel doit glisser sur une peau de banane, mais c’est un livreur de tartes à la crème qui subit l’accident à la place. Le camion sera vidé, et l’anarchie, en même temps que la crème, va s’installer à Roach City…
Remercions Robert Youngson, qui avait une copie du film à sa disposition lorsqu’il préparait une compilation dans les années 60: il a ainsi pu, sans le savoir, préserver cette séquence d’anthologie. La scène du combat (6 minutes) est belle aussi, surtout dans le jeu entre le savoir faire carnassier de Noah Young, et l'anarchie lamentable du jeu de Laurel. Mais privées de leur lien naturel, les deux parties s’enchaînaient mal.
Il faut voir cette impressionnante montée anarchique dans la rigueur de sa construction, le soin maniaque avec lequel les gens s’envoient furieux des projectiles crémeux dans la tête, le calme et la réflexion apporté à chaque lancer de projectile dans la tête, bref, cette bataille du siècle mérite bien son nom. De tous les courts métrages de Laurel et Hardy reposant sur l'accumulation anarchique virant au cauchemar, c'est sans doute le plus beau. Et maintenant que toute la bobine a été retrouvée, on a enfin cette rigueur, cette montée en puissance lente et inexorable du délire crémier, cette orgie pâtissière absolue, dans toute sa logique, avec les bottes secrètes de Laurel et Hardy: le "tit for tat", quand quelqu'un fait une bêtise, on le lui rend d'une manière ou d'une autre, mais aussi lentement et méthodiquement que possible... L'accumulation logique par influence colérique: deux hommes s'envoient des tartes à la figure, un troisième s'interpose. Non seulement il sera la victime de l'attentat sucré suivant; mais il sera un adversaire encore plus acharné dans les combats futurs. Après ça, il n'y a plus qu'à multiplier... Enfin, Laurel est toujours celui qui apporte, par son désordre personnel, de l'ordre dans le chaos; on le voit prendre la responsabilité de distribuer les tartes aux combattants.
...Tant que j’y pense, il y a une apparition sublime de la grande Anita Garvin, qui glisse sur une tarte, sa robe s’ouvrant en corolle, elle se trouve donc en contact quasi direct avec les restes pâtissiers répandus sur le trottoir, et au lieu de faire des bonds hystériques, elle prend son temps, semblant analyser la situation avec pragmatisme. Quand finalement elle se relève, et tourne au coin de la rue, elle a un geste discret de la jambe, pour se débarrasser de la crème. Sait-elle qu’il ne s’agit que de crème ? En tout cas, c’est de la pantomime de première classe : la crème de la crème!