En avril 1974, la direction de la radio Suisse Romande dépêche une équipe de reporters au Portugal, dans le but de ramener au pays une petite idée sur l'aide de la Suisse envoyée là-bas. Dans un premier temps, l'équipe est formée de trois personnes: Julie (Valérie Donzelli), une journaliste ambitieuse et un brin féministe, galvanisée par les changements récents (La Suisse n'a accordé le droit de vote aux femmes qu'en 1971...); Cauvin (Michel Vuillermoz), un grand reporter un peu lessivé et qui est revenu d'un reportage au Vietnam avec une blessure à la tête qui lui ronge la mémoire, un secret qui est lourd à porter; enfin, Bob (Patrice Lapp), preneur de son, complète l'équipe avantageusement, d'autant qu'il a un combi Volkswagen. Arrivés au pays, ils vont embaucher un jeune Portugais Francophile, Pelé (Francisco Belard), qui rêve d'aller en Provence pour rencontrer Marcel Pagnol, son idole, et qui truffe son Français de "peuchère!" loufoques, tout en étant d'une aide précieuse pour permettre aux trois journalistes de constater que le fascisme est partout dans le Portugal d'Avril 1974... jusqu'au 25, du moins, car alors qu'ils sont sur place, la révolution des Oeillets se déclenche, et ils sont tous quatre pris dans la tourmente...
C'est un plaisir indéfinissable que de se laisser attraper par ce film (Dont la musique est entièrement faite de compositions de Gershwin dans des interprétations mythiques, qui s'intègrent magistralement à l'ensemble y compris dans un ballet inattendu), une comédie légère qui s'amuse à jouer un peu avec nos souvenirs (Si nous avons vécu à cette époque) en recréant des détails vestimentaires, des choses de la vie de tous les jours, sans jamais forcer la dose, et en utilisant avec bonheur un dialogue millimétré.
Bien sûr, le film oppose avec intelligence et subtilité un monde immuable (et qui fait semblant de changer, comme les chefs de la Radio suisse, ou le gouvernement soi-disant moderne de VGE, à la fin du film), et les révolutions en marche, qu'elles soient politiques, démocratiques, sexuelles ou féministes... Le loufoque provient aussi de la façon dont Michel Vuillermoz, qui interprète le journaliste perdant la mémoire, parle un Portugais défaillant qui ne l'empêche pas d'être pris pour un prophète par les révolutionnaires... La révolution sexuelle est présentée par un épisode traité avec humour, et relaté génialement par les dialogues. Au final, ce film essentiellement poétique qui fait semblant d'être un reflet de la vérité, est une bulle bienvenue de burlesque dans le cinéma Européen, tout en nous rappelant des révoltes qui ont mené quelque part sans pour autant tuer des centaines de gens. Voilà.