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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 09:41

Il est plus question de papillons que d'agneaux dans ce splendide film de l'ex-documentariste Jonathan Demme, qui s'intéresse précisément à l'étrange période d'entrainement d'une jeune femme sur le point de devenir un agent du FBI, Clarice M. Starling (Jodie Foster). Quand le film commence, cette dernière est en pleine course, dans le cadre intensif de son entrainement. On en aura la confirmation très rapidement, Clarice n'est pas encore intronisée agent du F.B.I., d'où une nette impression que les pas qu'elle va faire dans le cadre de cette enquête qu'on lui confie, d'abord par petits bouts, sont cruciaux... Et bien sûr, les deux heures de ce film sont le récit initiatique d'une chrysalide stagiaire qui devient à son tour un papillon du FBI!

Et pourtant, ce qu'on lui demande, dans un premier temps, est très vague: son supérieur veut que la jeune femme essaie de persuader un psychiatre enfermé, le docteur Hannibal Lecter, de collaborer depuis sa cellule avec le FBI. Elle l'apprendra plus tard, en réalité, on souhaite ardemment son aide dans le cadre d'une enquête brûlante, pour attraper "Buffalo Bill", un psychopathe qui a déjà laissé plusieurs cadavres de femmes derrière lui, et qui s'apprête à frapper à nouveau. Bref, on utilise Starling, ou du moins, on lui donne un minimum d'informations, d'une part pour ne pas la mettre en danger, et d'autre part, quand même pour la tester.

Et ce n'est pas rien, car partout où elle va, ce petit bout de femme se heurte à la masculinité sans fards de ses collègues stagiaires (qui se retournent sur son passage avec des regards qui en disent long), de son supérieur (Venez me parler en privé, shérif, je ne voudrais pas effaroucher ma jeune et jolie stagiaire), du docteur Chilton, directeur de la prison psychiatrique pour criminels dangereux (Un séducteur de la pire espèce: persuadé qu'il est séduisant, alors que...), mais aussi des policiers et techniciens de la police scientifique rencontrés sur le terrain, ou bien sûr les criminels qui entourent le Dr Lecter.

Mais pas ce dernier, qui lui manifeste un respect, une courtoisie pour reprendre ses mots, qui le rendraient presque sympathique, si ce n'était une stratégie d'une part, et s'il n'entrecoupait leurs aimables conversations de références à ses dîners cannibales!

Un film qui est d'abord la rencontre entre un monstre et une héroïne en devenir, confrontée à un cauchemar total pour sa première mission d'envergure. Clarice est coincée entre ses trois pères: le vrai, décédé quand elle était encore une enfant, le père officiel de substitution, le parfois décevant supérieur hiérarchique Jack Crawford (Scott Glenn), et le père inattendu, celui qui va paradoxalement lui apporter peut-être le plus: Hannibal Lecter (Anthony Hopkins), psychopathe enfermé et consultant occasionnel dans les affaires de dingues, qu'on ne présente plus.  Et Demme, qui a dit et répété qu'il n'était pas intéressé du tout par les histoires de serial killer, a pourtant fait ce film... Mais le metteur en scène y était attiré en raison d'un personnage fascinant, celui de Clarice Starling justement. Comment une femme va devoir affronter les monstres modernes, pour elle mais aussi afin de devenir une héroïne, et afin d'exister: vous avez remarqué? Comme dans Philadelphia deux ans plus tard, Demme fait tout pour nous cacher la vie privée de Starling, dont on sait juste qu'elle vit en colocation avec une collègue de l'académie, et dont on connaît mieux le passé: la mort de sa mère, celle de son père policier quand elle avait dix ans, et une grosse revanche à prendre sur la vie et la solitude. Et au criminel surnommé "Buffalo Bill", qui convoite ce à quoi il n'a manifestement pas droit, le film oppose Starling, qui mérite ce qu'elle va devoir prendre à coup de flingue s'il le faut: c'est un film dans lequel une femme, clairement, prend le pouvoir, et Jodie Foster n'est pas pour rien dans la réussite absolue du film.

Demme, dès le départ, fait semblant d'entrer dans cette histoire derrière Clarice, comme si celle-ci était suivie d'une équipe de tournage. c'est l'un des atouts majeurs de ce film dont la stylisation  passe justement par l'apparente absence de style. Mais tout est dans le détail (Y compris ou surtout pour Lecter, le fou furieux auquel rien n'échappe, pas même le parfum que Clarice utilise parfois, "mais pas aujourd'hui"...), dans l'accent d'un personnage, dans la prononciation d'une syllabe, dans le plan aussi. Et dans le montage de Craig McKay, bien sûr, on a tous en mémoire deux séquences de haute volée dont Demme n'a pas souhaité revendiquer la paternité, et qui ont assuré la renommée de ce film et ne sont sans doute pas pour rien dans son succès, ainsi que dans le fait que Silence of the lambs ait décroché l'Oscar du meilleur film: pas mal pour un film policier... Le monteur a suggéré à Demme de bouleverser l'orodonnance d'une bobine entière afin de faire monter la température du public... Et ça marche!

Avec ses deux stars, Anthony Hopkins dans le rôle de sa vie et Jodie Foster qui est particulièrement impressionnante, Demme a sans doute plus et mieux montré avec son film qu'on ne le fera jamais dans les infos télévisées du monde entier. Son film a revitalisé et même changé le visage du genre policier pour longtemps, et on a très rarement fait mieux depuis. 

 

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Published by François Massarelli - dans Jonathan Demme Noir Jodie Foster Criterion Yum yum