6 août 1945, à Hiroshima, Shigematsu Shizuma (Kazuo Kitamura) et son épouse (Etsuko Ishihara) attendent avec une certaine impatience l'arrivée de leur nièce Yasuko (Yoshiko Tanaka). L'histoire familiale est bien compliquée, il a été jugé plus intéressant qu'elle vive chez eux pour le moment... Alors qu'ils attendent, un souffle impressionnant balaie l'oncle et la tante, et détruit tout autour d'eux. Pendant ce temps, sur un petit bateau, Yasuko et d'autres observent un phénomène qu'ils n'ont jamais vu, un champignon atomique, et quelques instants plus tard il pleut. Mais c'est une pluie noire, sale et collante... Quelques années plus tard, l'oncle et la tante, qui ont survécu (mais pour combien de temps?), ont bien du souci pour marier Yasuko, dont la rumeur persiste à dire qu'elle ne peut avoir échappé aux radiations... Quant à elle, elle a des doutes sur son avenir...
Ce beau film n'est pas une chronique des années d'après guerre, c'est beaucoup plus un entrecroisement de deux périodes finalement assez distinctes, celle qui suit immédiatement le bombardement, et celle située cinq années après alors que les uns après les autres, les doutes sur l'avenir finissent par l'emporter sur l'optimisme de la famille Shizuma. C'est un portrait du Japon d'après-guerre et de ses fantômes, parmi lesquels tous ces gens mutilés, calcinés, entremêlés dans une boue horrifique, qu'on aperçoit dans les séquences situées le 06 août. Mais d'autres fantômes sont là, aussi; ceux des victimes plus récentes, qui rappellent que tous ceux qui ont survécu sont en sursis, et que l'espoir de chacun est bien mince; celui de la mère de Yasuko, rendue plus vivace par le fait que la grand-mère gâteuse les confond; et celui de la guerre, incarné par le voisin qui a perdu une partie de sa tête lors des combats, et devient enragé à chaque fois qu'il entend un moteur. C'est pourtant de lui que Yasuko va se sentir la plus proche, peut-être parce qu'avec lui elle n'a pas besoin de se mentir sur le danger qui la guette...
Imamura a choisi de tourner son film dans un noir et blanc volontiers sale, qui se rapproche des vieux films en 16 mm. L'image de ces collines champêtres 'est pas belle dans ce beau film, car la vie en sursis n'est pas jolie à voir. On reconnait donc le Imamura qui nous peint la détresse humaine du Japon d'après-guerre, rendu à lui-même au prix d'un acte inhumain, dont les séquelles restent inconnues des années plus tard. Les hommes, comme souvent, s'associent aux animaux (Dans sa détresse, Shizuma se passionne pour la régulation de la population de carpe de l'étang d'à côté, préparant l'avenir de ce poisson, et de la pêche, d'une façon absurde puisqu'on se doute bien qu'il n'en profitera pas), voire finissent par leur ressembler: l'ancien soldat rampe, et impose à toutes et à tous de ramper à ses côtés... Et comme toujours, dans cette chronique douce-amère, l'humour a une place importante. Tout ceci confirme l'importance d'un cinéaste et de son merveilleux mais si triste univers...