Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 avril 2019 6 27 /04 /avril /2019 16:06

Ce western spectaculaire est à la fois la marque de l'intention d'un producteur (William Fox) et d'un metteur en scène (Raoul Walsh) de donner une véritable noblesse au genre, d'une part, et le chant du cygne des histoires de l'ouest sauvage telles qu'elles ont été contées durant les années 20: de The covered wagon à The Big Trail, en effet, c'est tout un pan du western "pionnier" qui se dessine, à l'opposé des films plus crus, plus intimistes, tournés par wagons entiers de bobines à la Universal depuis les années 10, mais aussi par Cecil B. DeMille ou Thomas Ince. Mais si ce courant a disparu, c'est effectivement non seulement au désintérêt du public (Three bad men, de Ford, avait été un relatif insuccès commercial alors que deux ans plus tôt The iron horse avait lui été un énorme succès), à la méfiance des producteurs qui sentaient passer la note, mais aussi et surtout à l'échec public de ce film qu'il le doit...

Une caravane massive se prépare à amener des pionniers vers l'Oregon, à l'assaut des rivières, forêts, tribus Indiennes, et montagnes qui leurs barrent la route. Celle-ci ne sera pas de tout repos, car en plus de tous ces dangers, l'homme qui conduit tout ce troupeau hétéroclite de pionniers, d'immigrants, et d'animaux, est un bandit, le redoutable Red Flack (Tyrone Power, Sr), assisté de son âme damnée Lopez (Charlie Stevens) et du joueur professionnel Thorpe (Ian Keith), un Sudiste qui semble fuir le Sud plutôt que d'y retourner... Heureusement, Breck Coleman (John Wayne) veille: c'est un homme attaché à la caravane pour faciliter les échanges et le dialogue avec les populations Indiennes, et il est droit, franc, et a en plus un compte à régler avec Flack et Lopez... de plus, il s'intéresse de près à la jolie Ruth Cameron (Marguerite Churchill), l'une des pionnières du convoi...

C'est merveilleux: non seulement dans ce film à la durée spectaculaire, tourné en écran large (Le procédé 65mm Grandeur, un ancêtre du 70mm et du cinémascope), on assiste avec bonheur à tous les passages obligés de ce type de récit, racontés de main de maître par un génie du cinéma d'action, mais ce dernier a réussi à convaincre le studio de lui laisser carte blanche. Ainsi, dans une production hallucinante qui oblige déjà l'équipe à véhiculer des chariots, des troupeaux, et des gens sur des routes aussi proches des pistes originales que possible, à tourner en séquence c'est à dire de façon chronologique afin de profiter au mieux des paysages et de permettre aux acteurs un certain confort dans la continuité de leur rôle, Walsh improvise des séquences entières lorsque le paysage l'inspire, et il s'imprègne en permanence de l'esprit pionnier! C'est un film qui a beau conter une histoire du XIXe siècle, on y retrouve l'exploit qui a consisté à faire ce film dans la magnifique nature Américaine, armé en prime d'un système de prise de vue qui était particulièrement inconfortable... Sans parler du son! Walsh passe son temps à se jouer de la difficulté de l'écran large, dont il fait de remarquables compositions, tout en maintenant sur deux heures un rythme soutenu.

Et cela va sans dire (C'est souvent la seule chose qu'on a à dire sur le film, et ça me semble un peu court tant son souffle épique est communicatif), Wayne est impeccable, ne se doutant sans doute pas qu'après ce rôle de premier plan dans un film spectaculaire, il serait obligé de passer 9 années au purgatoire des productions médiocres... Et Walsh d'ailleurs allait être aussi mal loti, comme du reste le western dans son ensemble. Mais ce film est tellement enthousiasmant (Contrairement à l'insipide Cimarron,de Wesley Ruggles sorti l'année suivante et qui en dépit d'un Oscar non mérité n'allait pas pouvoir inverser la destinée du western) qu'on lui pardonnera volontiers les menus défauts que sont une diction parfois embarrassante, le parlant n'en était qu'à ses débuts, et une tendance à se réfugier derrière le concept si douteux de la Destinée manifeste: cette idée selon laquelle la destinée de l'homme blanc était de redessiner les contours du monde en conquérant l'Amérique. Billevesées et conventions: on a un western, un vrai, un beau, un grand.

The big trail (Raoul Walsh, 1930)
Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Western Raoul Walsh Pre-code John Wayne