"Nevada Smith" est un titre intéressant, mais bien paradoxal: personne ne s'appelle comme ça dans ce film, mais le héros, sommé de donner son nom, cache son identité sous ce nom d'emprunt lors du dernier quart de ce drame sordide de la vengeance... En un prologue et trois actes. Je vais le dire tout de suite: Steve McQueen, qui interprète environ 10 ans de la vie d'un homme, de l'adolescence à la vie d'adulte, joue parfaitement l'ado, oui. Mais physiquement? Difficile à avaler, tout comme le fait qu'il soit moitié Kiowa!
Pas une erreur de casting pourtant, loin de là, l'acteur est totalement dans son registre pour interpréter ce jeune innocent confronté au crime dans un jour de barbarie totale, et qui va y trouver prétexte à une triple mission de vengeance, pour laquelle il va lui falloir s'armer avant tout, car Max Sand n'a rien: ni arme, ni savoir-faire. Il reconnaît avoir bien tué "quelques lapins", mais c'est tout... Mais n'anticipons pas. Max est à quelques centaines de mètres de la maison de son père quand trois hommes (Martin Landau, Arthur Kennedy et Karl Malden) lui demandent le chemin de la mine paternelle: ils lui inspirent confiance, et Max s'en mordra les doigts, car les trois hommes, qui croient que la mine du père Sand regorge d'or, vont torturer et tuer les parents de Max, pour rien... Enfin peut-être pas, car le fait que sa maman soit une kiowa excite leur sadisme. Arrivé sur les lieux, Max brûle la maison et les corps, et part en quête de vengeance. Quelques jours plus tard, il tombe sur un groupe de trois cavaliers, les attaque, mais ce ne sont pas les hommes qu'il cherche. Ils lui donnent une leçon... en l'abandonnant seul dans le désert, sans arme; il tente de se refaire en attaquant un armurier (Brian Keith) mais celui-ci le prend en amitié, et il lui donne quelques rudiments de maniement des armes à feu. De rencontre en rencontre, Max Sand grandit, s'endurcit, et se rapproche de son but: retrouver les trois hommes qui ont commis le crime qui l'a obligé à grandir trop vite...
Le film est un "prequel", celui de The carpetbaggers, de Eward Dmytrik, avec Allan Ladd en "Nevada Smith"; c'est à bien des égards l'histoire d'une initiation, celle d'un homme qui pour une cause juste va se transformer en un tueur aguerri et dangereux. mais en chemin, il va faire d'autres apprentissages: celui de l'amour, auprès de deux femmes (Janet Margolin joue une jeune prostituée Kiowa qui le sauve lors de son premier acte de vengeance, et lors d'un séjour dans un bagne de Louisiane, il côtoie une femme au destin tragique, Pilar , interprétée par Suzanne Pleshette), celui de la lecture aussi, sur un conseil de l'armurier Jonas Cord. Il part de rien, et se forge une vie, celle d'un tueur, oui, mais un tueur qui a une raison de tuer... Ce qu'on ne manque pas de lui reprocher... A cet égard, une rencontre est troublante, celle d'un prêtre sur une mission (Raf Vallone), qui lui fait voir qu'il a le pouvoir de renoncer à sa vengeance...
Le film est un merveilleux parcours initiatique, dont Hathaway s'amuse à rythmer toutes les étapes d'un certain nombre de codes, le plus évident étant le fait d'éteindre bougies puis lumières, à chaque ellipse... Steve McQueen, ardoise vierge, va tout apprendre et tout expérimenter avant d'arriver à la fin du film, dans une saga fascinante... En attendant de voir s'il renonce ou non à sa vengeance, Nevada Smith est avant tout un très beau western, tourné dans des lieux sublimes, de montagnes en bayou, de désert en plaine, dans les montagnes rocheuses, ou dans les saloons de la frontière. Hathaway profite de l'allègement de la censure pour pousser un peu plus l'enveloppe du western, et McQueen est fidèle à lui-même. Non seulement le film est d'une hauteur de vue irréprochable et d'une intelligence remarquable, mais il vous sera impossible de détacher votre regard tant il est distrayant. Bref, un classique. Un beau... Un gros.