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18 juillet 2017 2 18 /07 /juillet /2017 10:00

...Ou comment avec un budget sans doute ridicule, un panel de collaborateurs dans lesquels on trouve un certain ombre de noms particulièrement prestigieux d'artistes, des idées qui fonctionnent à cent à l'heure, et un peu de pellicule, on donne une direction à l'avant-garde. A l'origine du film, un ballet intitulé Relâche, conçu par Francis Picabia fondateur du mouvement Dada, chorégraphié par Jean Börlin, et mis en musique par Erik Satie. je ne sais pas qui a eu cette idée géniale, peu importe d'ailleurs, mais la décision a été prise de compléter cette oeuvre iconoclaste par un film, qui serait situé entre les deux actes du ballet.

Entr'acte tel qu'on peut le voir actuellement est précédé du prologue de Relâche, également cinématographique: Francis Picabia et Erik Satie viennent tous deux se placer de part et d'autre d'un canon, et tirent. Le dernier plan de ce prologue est une vision d'un obus tiré sur la caméra, au ralenti... Le ralenti qui a été utilisé pour un effet qui donne vraiment son style à ce prologue de deux minutes: Satie et Picabia sautent au ralenti pour venir se placer aux côtés du canon...

Puis le film proprement dit commence. Il est, forcément, indescriptible, fait d'associations d'idées (Souvent des contraires), de manipulation d'images (Multiplication, ralenti, surimpressions, montage rapide), de burlesque et de moments qui sont pris sous des angles inédits, voire embarrassants: ainsi en est-il du leitmotiv de la ballerine qui, filmée en dessous d'un plancher de verre (Et montée au ralenti) n'est pas l'image de la grâce, non, mais plutôt une présence vaguement charnelle. Beaucoup d'images des toits de Paris rappellent l'inspiration poétique urbaine propre à René Clair qui venait de tourner Paris qui dort sur la Tour Eiffel.

Cet étrange objet sans queue ni tête semble se doter d'une intrigue avec l'enterrement d'un homme (le chorégraphe Börlin) dont le corbillard conduit par un chameau sera suivi par une foule de gens, qui eux aussi vont sauter au ralenti, avant de se lancer dans une course endiablée. On pense à Sennett, il est probable que Clair y pensait aussi...

Mais le cinéaste, y compris dans ce grand moment de n'importe quoi triomphal, cherche à trouver de l'ordre dans sa poésie délirante: lorsqu'il laisse aller son scénario aux associations d'idées, par exemple en montrant les gens qui courent après le corbillard rejoints par, premièrement, un authentique coureur en short, puis un cul-de-jatte, il les installe pour de bon. Le coureur fera partie des dernières personnes que fera disparaître Börlin d'un coup de baguette magique après sa résurrection...

...Oui, je l'avais bien dit, il est impossible de décrire ce film! Mais il n'est pas qu'indescriptible, il est aussi iconoclaste, probablement proche de l'esprit initial du ballet qu'on qualifie dans les livres d'histoire de franchement drôle et grotesque. Et Entr'acte est  de fait un bout d'histoire de l'art, pas foncièrement triste à voir, et une pièce de choix à verser au dossier de la poésie très particulière qui émane des films de René Clair.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet René Clair