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14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 16:18

Le Paradis du titre? D'abord, Venise: on le visite, Lubitsch oblige, en commençant, hum, par les coulisses. Un tas d'ordure est véhiculé... vers une gondole. Typiquement, le metteur en scène qui aurait pu se contenter d'un plan de la lagune, et d'un élégant titre, n'a pas pu s'empêcher d'être inventif. Puis la majeure partie du film se situe dans un autre Paradis, à Paris, dans la très haute société.

Le "trouble" du titre, quant à lui, est soit le fait que dans la haute société, il y a des gens qui ne sont pas forcément de la plus grande honnêteté, car ils ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche, comme on dit... Alors ils volent la cuillère. Ou alors, ce fameux "trouble" pourrait tout aussi bien être l'amour, ce sentiment intempestif qui arrive comme un cheveu sur la soupe et gâche tout en faisant intervenir les sentiments là où on n'en a pas besoin... 

A Venise, un voleur-escroc internationalement connu, Gaston Monescu (Herbert Marshall), rencontre Lily (Miriam Hopkins), une voleuse qui a un certain talent. Comme ils se volent mutuellement avec une adresse qui les stupéfie mutuellement, ils savent qu'ils sont faits l'un pour l'autre, et s'associent. Monescu vient justement de voler un homme d'affaires dans sa chambre d'hôtel, le Parisien François Filiba (Edward Everett Horton). 

Le couple, des années plus tard, se rend à Paris, attiré par les bijoux de la belle Madame Colet, héritière des parfums Colet et Cie. Durant un opéra, c'est un jeu d'enfant pour Monescu de voler un sac orné de diamants, appartenant à la charmante veuve (Kay Francis), d'autant que celle-ci est flanquée de deux prétendants aussi ridicules qu'inutiles: le Major (Charlie Ruggles), et son ennemi juré se disputent les faveurs de Mariette Colet. Lennemi en question n'est autre qu'un certain... François Filiba. 

Mais une fois le sac volé, Monescu apprend que sa propriétaire donnera une récompense de 20000 Francs à qui le lui rendra. Sous le nom d'emprunt de Gaston La Valle, il va lui rendre l'objet, empocher la prime, et... devenir son secrétaire. Et plus, si affinités.

Après cinq films parlants, dont quatre comédies musicales, Lubitsch s'attaque enfin à une comédie sentimentale, qui reprend un thème déjà très présent dans certains de ses films, notamment The student prince (1927) et The smiling lieutenant (1931): la barrière des classes. Le triangle formé ici par La voleuse, le voleur aux manières de dandy, et la bourgeoise, aussi raffinée et adorable soit-elle, nous rappelle que certaines barrières sont infranchissables, et qu'il est inévitable, quel que soit le désir de l'un comme de l'autre, que Gaston "La Valle" et Mariette Colet finissent leurs vies ensemble... Mais en attendant de faire ce constat, ils auront pu rêver un peu.

Et puis Lubitsch creuse d'autres pistes, bien sur, continuant de s'intéresser aux coulisses, avec ce Gaston la Valle qui s'y entend si bien à tirer les ficelles, ou ce garçon si obligeant qu'il prend des notes quand la requête d'un client de l'hôtel est malgré tout indicible. Et enfin, dans ce film en forme de vitrine de tout son génie, Lubitsch joue avec l'identité, ses faux-semblants, le pouvoir d'un nom aussi: Colet "and Company", comme on se plaît souvent à le souligner! Il nous dresse en 82 minutes une histoire qui a tout pour tourner au sublime et au tragique (après tout, mme Colet et M. La Valle vont si bien ensemble, quel dommage que ce soit impossible), et qui devient tout bonnement une sublime comédie sentimentale. Mais la mélancolie qui s'installe ici reviendra de façon insistante dans l'oeuvre de Lubitsch, de Angel à Heaven can wait, en passant par The shop around the corner.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Ernst Lubitsch Pre-code Criterion Edward Everett Horton