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4 septembre 2017 1 04 /09 /septembre /2017 15:46

Comme Wings avait été réalisé par un Wellman motivé, et seul maître à bord, en réaction contre tout ce qui lui avait été confié auparavant, Beggars of life prend par bien des côtés le contre-pied de son film de 1927 qui allait d'ailleurs obtenir l'Oscar du meilleur film... Mais tout en allant sur bien des points à l'opposé de sa superproduction épique, Beggars of life est du pur Wellman, un grand film dont le metteur en scène avouait plus tard qu'il le considérait comme son muet préféré... Sorti en 1928, il était partiellement parlant (Il devait sans doute présenter une ou deux scènes de dialogue), mais seules des copies muettes ont survécu.

Jim (Richard Arlen), un vagabond, marche dans la campagne, entre deux trains. Son but: rejoindre le Canada, pour entamer une nouvelle vie... Mais à court terme, son but serait plutôt de manger un petit déjeuner. Et en passant devant une modeste maison, il voit un homme immobile et attablé: su la table, un petit déjeuner encore fumant. Il frappe, mais l'homme ne répond pas. Il entre, toujours rien: l'homme est mort, et celle qui l'a tué fait soudain du bruit: c'est Nancy (Louise Brooks), une jeune femme qui a abattu son "père adoptif", en vérité un vieux cochon, et elle se prépare à s'enfuir, déguisée en homme. Les deux décident de faire un bout de chemin ensemble...

Les affiches du film mettaient clairement en vedette un troisième acteur, Wallace Beery, qui joue le rôle d' Oklahoma Red, un autre vagabond, influent et respecté. Il va disputer Nancy à Jim, avant de se rendre à l'évidence: ces deux-là s'aiment, autant les protéger... En attendant, la route est semée d'embûches: les trains sur lesquels on trouve parfois refuge, les autres "voyageurs" qui ne sont pas toujours commodes, et la police qui ne tarde pas à savoir que la jeune meurtrière qu'ils cherchent s'est déguisée en jeune homme...

Le film est une plongée sans trop de concessions (si on excepte le sentimentalisme pur jus de l'intrigue amoureuse, d'ailleurs soulignée par une autre complicité fascinante, entre un homme malade et un vagabond noir qui est à 100% à son service) dans le monde de "la route", celle d'avant la Crise de 1929, celle des miséreux et des aventuriers déchus qui tentent à leur façon de participer au rêve Américain; un monde dans lequel la police, les gens qui possèdent, les braves gens, sont des ennemis... Wellman, sans faire trop d'effets, nous trimbale à la suite de ses "hoboes", et son sens du rythme, son sens de la composition, son montage et une caméra austère mais sûre d'elle-même, nous donne à voir un film qui est certes austère, mais totalement prenant. Sa direction d'acteurs ne souffre d'aucune faille dans ce film: Arlen, tout en retenue, force juste ce qu'il fait sa fragilité sombre; Wallace Beery est sans doute à son meilleur, même si c'est sans doute à lui qu'incombe le rôle le plus galvaudé avec son vagabond au grand coeur. 

Enfin Louise Brooks (Qui sera critiquée pour un rôle qui "ne met pas en valeur sa plastique", les gens sont parfois vraiment des goujats) est formidable en très jeune femme qui ne sait pas exactement ce qu'elle veut, mais qui sait bien ce qu'elle ne veut pas. Et cette féminité que des critiques stupides ont cherché en vain, est précisément l'un des enjeux du film, qui va offrir à son personnage une renaissance par la route... Ce film dans lequel les gens marchent du début à la fin, ou sautent sur les trains, est un compagnon (de route) d'autres errances, d'autres films de Wellman qui nous intéressent aux à-côtés de cette belle démocratie parfois ingrate: Safe in hell, Wild boys of the road, Heroes for sale, The star Witness, Call of the wild, ou encore Westward the women...

 

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Published by François Massarelli - dans William Wellman 1928 Louise Brooks