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24 septembre 2017 7 24 /09 /septembre /2017 11:54

Ce film, l'avant-dernier de Hawks, illustre parfaitement un adage typiquement Hawksien: quand les personnages sont bons et que l'alchimie entre eux est parfaite, pourquoi ne pas les reprendre? Et du même coup, pourquoi d'ailleurs ne pas reprendre la même trame, les mêmes enjeux? Donc de Rio Bravo, on passe à El Dorado. De là à faire deux bons films, toutefois, ce n'est évidemment pas gagné. Et pourtant...

Cole Thornton (John Wayne), un homme à la gâchette sûre, un professionnel mais doué de moralité, a un rendez-vous pour un travail: il doit porter son flingue et son savoir-faire au service de Bart Jason, un gros bonnet du conté d'El Dorado. Mais le shérif dudit conté, J. P. Harrah (Robert Mitchum), qui est un vieux copain à lui, ne l'entend pas de cette oreille: il sait que Jason entend faire main basse sur les terres de ses voisins, des éleveurs tranquilles, les Mac Donald. Décidé à refuser l'offre, Thornton voit Jason, mais en revenant à El Dorado il est attaqué par un des jeunes Mac Donald. En légitime défense, il le tue, et ramène son corps dans sa famille. Le père de la victime comprend, mais pas sa soeur, l'impétueuse Joey (Michele Carey): elle tire à son tour sur Thornton, et sans pour autant le tuer, lui loge une balle près de la colonne vertébrale...

Quelques temps plus tard, Thornton apprend que Jason n'a plus face à lui qu'un shérif alcoolique et bon à rien: avec l'aide de "Mississippi" (James Caan), un jeune aventurier rencontré sur sa route, il revient pour prêter main-forte à son copain...

Tout ce qui précède est assez éloigné, finalement, de Rio Bravo, mais ce n'est que le prologue. On reviendra immanquablement aux figures imposées: un shérif, peu d'aide, des gens qui se targuent d'être des pros, des innocents et des "civils" qui passent leur temps à se mêler de ce qui ne les regarde pas, et un vieux bras cassé qui parle trop mais qui abat du boulot: Walter Brennan marchait à la dynamite, pour Arthur Hunnicutt ce sera l'arc et les flèches. En lieu et place de Ricky Nelson, James Caan est un "bleu" très convaincant, dont le chapeau déclenche bien des commentaires. On ajoute aussi, par rapport à Rio Bravo, des chevauchées dans une nature rassurante et fortement ciné-génique! Mais si Hawks a décidé d'inverser le shérif et son copain, c'est quand même Mitchum qui sera l'alcoolique auquel il faut venir en aide: pas question de refiler une telle tare à John Wayne!

Ce dernier est ralenti par sa blessure, ce qui sert tout le monde: ça ajoute un brin de suspense, et ça permet à l'acteur de ralentir le rythme d'une façon convaincante, car l'âge et la santé fragile sont là... Les convictions aussi d'ailleurs, car durant le siège inévitable, en fin de film, les échanges portent autour d'un discours sécuritaire bien à droite, qui est probablement celui de tous les protagonistes: Mitchum, Hawks, Wayne et Caan ne s'en sont jamais cachés.

...Et alors? C'est le mythe du western, cette vieille idée que la loi sur la Frontière dépend d'abord des hommes avant de dépendre de la collectivité, que la loi n'est bonne qu'à s'appliquer, elle ne venge pas et elle ne débarrasse pas nécessairement des putois. Non, croyez-moi, on ne fait pas de gros fun qui tâche avec un western de gauche, parce que c'est purement et simplement de ça qu'il s'agit: du fun. Mission, en ce qui me concerne, accomplie: certes, El Dorado n'est pas Rio Bravo, mais... ce n'est pas Rio Lobo non plus.

 

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Published by François Massarelli - dans Western Howard Hawks John Wayne