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30 octobre 2017 1 30 /10 /octobre /2017 17:10

Adapté d'un roman de Reif Larsen, intitulé The selected works of T.S.Spivet, ce film de Jean-Pierre Jeunet est sa deuxième aventure anglophone, mais là s'arrête la comparaison avec Alien resurrection! Sous le patronage de Gaumont, avec son complice Guillaume Laurant, son co-scénariste sur tous ses films depuis Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, en compagnie de ses collaborateurs attitrés, Jeunet a tout fait pour que ce long métrage Franco-Canadien tourné aux Etats-Unis, notamment dans le Montana, reste son oeuvre, porte sa marque. Bref, c'est un film de Jean-Pierre Jeunet du début à la fin. Même si on pense ça et là à un autre réalisateur, ce qui n'est sans doute pas un hasard, mais plus un profond lien, un véritable cousinage entre les deux artistes... j'y reviendrai.

Tecumseh Sparrow Spivet (Kyle Catlett), plus communément appelé T.S., est un enfant de dix ans qui a des capacités d'invention phénoménales. Depuis son plus jeune âge, il se passionne pour la science et ses possibilités. Au point d'en développer une certaine frustration, puisque les professeurs auxquels il est confronté dans son coin du Montana ne manifestent qu'un sentiment évident d'insécurité face à ce gamin qui les écrase tous de sa supériorité. Mais le simple fait de les écraser n'est pas son plaisir, non, il souhaite présenter ce qu'il sait faire, et à ce titre a envoyé en secret une invention au Smithsonian Institute de Washington.

Sa famille est assez pittoresque: son père (Callum Keith Rennie), "né 100 ans trop tard", veut absolument se contenter de la vie d'un cow-boy; sa mère (Helena Bonham Carter), entomologiste, étudie avec acharnement tous les insectes qu'elle peut trouver; sa soeur, Gracie (Niamh Wilson), souhaite ardemment partir du Montana par la plus grande porte qui soit, et voudrait participer à tous les concours de beauté imaginables, au plus grand désespoir de sa mère... Enfin, Layton (Jakob Davies), le frère jumeau de T.S., qui tenait clairement de son père, est mort. Et à ce sujet, T.S. a un secret, mais il ne va pas nous le déballer aussi vite, non.

Quand il reçoit une invitation du Smithsonian Institute à accepter un prix pour son invention, une machine à créer le mouvement perpétuel, T.S. comprend bien que ses interlocuteurs croient donner le prix à un adulte. Devant la possibilité d'un embarras, d'un malentendu dont la conséquence serait l'annulation pure et simple de sa participation au prix, il prend la décision inévitable: partir en douce pour Washington, avec l'ingéniosité qui le caractérise. Pour le reste, on verra bien...

Le film a donc choisi un point de vue et n'en dévie quasiment jamais. Mais T.S. n'est pas à proprement un narrateur omniscient, car le moins qu'on puisse dire est qu'il se fait un film, comme on dit souvent. Il vit dans une réalité altérée, souvent adoucie par rapport au grand drame de sa vie, et celui de sa famille: la mort de Layton. T.S. s'en sent responsable, comme on le verra quand il osera, pour la première fois, en parler... Mais il n'est pas différent des autres membres de sa famille, qui ont juste poussé un peu leurs intérêts respectifs (La vie à la dure dans l'ouest, l'entomologie, les concours de beauté) dans le but d'oublier... 

Pourtant, le film n'est pas soumis à un rythme mortifère, pas plus qu'il ne se contente d'être un "road-movie". Jeunet étant en contrôle, il n'est pas venu sans son univers bien particulier, qu'il doit ici adapter, c'est vrai, aux magnifiques paysages de l'Ouest! Et de fait, la partie du voyage durant laquelle T.S. est passager clandestin dans un camping-car véhiculé sur un train, contraste de façon impressionnante avec la poésie urbaine qui caractérise souvent les productions du metteur en scène. Mais si on a parfois un peu peur que le plaisir de tourner dans les grands espaces ait fait perde le sens de la mesure à Jean-Pierre Jeunet, on constatera que le voyage est émaillé de rencontres... dont une avec un vagabond interprété par Dominique Pinon, on ne se refait pas. Et T.S. laisse son imagination (galopante...) faire le reste, et c'est là que Jeunet s'amuse, avec des incrustations qui tiennent lieu de split-screen, un effet qu'on a déjà vu dans ses trois derniers films. Car Jeunet, ici, n'oublie jamais de triturer l'image à sa guise afin de nous inviter dans la tête de son héros. A ce sujet, une fois de plus on est impressionné par le travail de Jeunet avec un enfant, ce qu'il nous avait certes démontré plus d'une fois...

Et la partie située à Washington, sensée correspondre à l'accomplissement d'un rêve de T.S., est surtout l'occasion pour Jeunet de confronter son héros à un monde qui pourrait le corrompre en un clin d'oeil. Le rôle de "passeur" est confié à Judy Davis, qui reçoit le jeune homme au nom de l'institut prestigieux, et s'attache à tout faire pour l'exploiter purement et simplement. Elle est fantastique, comme souvent, même si elle ne fait pas dans la subtilité. Et à travers le personnage de ce garçon excentrique, invité à entrer dans "le monde normal", comment ne pas penser à Tim Burton? Le reste du film nous rappelle aussi à son petit monde, et en particulier à Big fish, peut-être son plus grand film... D'autant qu'Helena Bonham Carter est là aussi.

Mais cela reste fermement un film de Jean-Pierre Jeunet, qui nous montre une fois de plus des êtres engagés dans une vie parallèle, qui ne pourront pas être corrompus, parce que leur vie intérieure, leur imaginaire, ou ici leur univers de scientifique, leur sert à la fois de définition personnelle et de rempart contre le reste du monde. Le film nous conte certes une crise, la fugue d'un enfant, mais la morale, c'est que c'est un passage obligé dans lequel les choses à dire vont, enfin, être dites. Et la famille, sans que quiconque abandonne son obsession, va sortit grandie. Comme d'habitude, et bien qu'il troque des boîtes à gâteaux en étal contre des épis de maïs, Jeunet nous montre en images formidables qu'il faut savoir rester soi-même. Tout simplement.

Je suis d'accord.

 

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Published by François Massarelli - dans Jean-Pierre Jeunet