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3 novembre 2017 5 03 /11 /novembre /2017 09:08

High treason est un film parlant, mais la version la plus communément montrée est la version muette. Mais paradoxalement, pour un film vu dans une version muette ça se voit qu'il est parlant et sonore! L'importance de la parole et du son, dans cette parabole futuriste et pacifiste, st telle que Maurice Elvey a trouvé un certain nombre de moyens de les transmettre malgré tout, à commencer par une exigence d'énonciation aussi claire et lisible que possible, de la part des acteurs du drame. 

L'histoire est inspirée d'une pièce de théâtre de Noel Pemberton Billing, et nous montre, en plein coeur de l'entre-deux-guerres, la préoccupation forte des nations, à savoir la peur que ça ne recommence comme en 1914. Le film est situé en 1950, dans un monde essentiellement divisé entre continents, et les deux plus importants "groupes" sont les Etats-Unis d'Europe, d'un côté, et l'empire des Etats Atlantiques, de l'autre. Ne cherchez pas, le premier groupe est représenté par Londres, le deuxième par New York... Un accident a lieu sur une frontière (ce qui serait donc situé sur la frontière Américano-Canadienne), et le ton monte entre les deux pays. A Londres, l'inquiétude semble n'avoir aucune prise sur Michael Deane et Evelyn Seymour, qui roucoulent encore et toujours, mais... Il est major dans l'armée, et elle est la fille très engagée du président d'une association pacifiste internationale. Il va y avoir du grabuge, et pas seulement entre les nations...

Maurice Elvey a-t-il vu Metropolis? C'est une évidence, mais j'irai plus loin: d'une part, le film prend sa source (visuelle, je ne parle pas ici de sa source dramaturgique) dans le même constat, au vu des grandes métropoles Américaines dont le cinéma relayait l'image chaque jour, que le futur ne pouvait aller que dans le même sens que les cités modernes: toujours plus haut, toujours plus grand! C'est cette réflexion de Lang qui est à la base de Metropolis et Elevey ne va pas dans une autre direction... Sauf que, contrairement à lang qui a situé son film de science-fiction dans une cité et une cité seulement, Elvey internationalise son intrigue situé entre ville et campagne (La frontière au début du film) , d'un continent à l'autre. Il nous montre parlements et sièges de gouvernements, sièges industriels également, et étend encore plus le champ d'action en montrant un élément crucial, utilisé par Lang, mais uniquement pour la communication "verticale" entre Joh Fredersen et ses subalternes: la télévision, ici, est partout, démocratique, quotidienne. Et elle joue un rôle dramatique. Elle est complétée par le visiophone... Notons que la version muette nous donne bien à voir les émissions de télévision, mais elles sont complétées par des intertitres, directement sur l'écran. L'écran du poste de télévision, bien sûr...

Mais si Elvey a vu Metropolis, et qu'il a cherché à étendre son champ d'action afin de ne pas, justement, copier le grand film de Lang, il est prisonnier d'une pièce de théâtre qui est quand même bien mince, et disons-le, d'une naïveté allègre. Mais je pense que c'est inévitable, n'oublions pas que la science-fiction cinématographique n'a rien d'un genre établi, et qu'on n'en utilisait le biais que pour des messages généralement grandiloquents, supposés avertir les générations futures. Il suffit de constater la morale simplissime de Metropolis, ou la tentative gentiment idiote d'exporter la révolution sur Mars dans Aelita, pour s'en convaincre. Donc dans High treason, le conflit militaire qui guette est bien vite remplacé à l'écran par un conflit entre militarisme (Représenté par Jameson Thomas qui interprète le Major Deane) et pacifisme (Incarné avec une certaine fougue par Benita Hume, dans le rôle d'Evelyn Seymour). Le titre est dû à un événement crucial qui est situé vers la fin: la seule solution pour les pacifistes (dont le film adopte le point de vue) est d'effectuer un acte de haute trahison...

Le conflit nous est montré en réalité comme une spéculation de la part de gros groupes militaro-industriels, et bien sûr, ils sont situés à New York! De son côté, le point de vue sur la justice prend acte d'une vision supérieure, au-dessus des groupes constitués et de la justice des hommes. C'est pratique, et ça permet de rendre le message "actuel" en 1929. Mais ce qui est "actuel" aussi, c'est la vision d'un futur, d'abord divisé entre des conglomérats immenses, dont on n'imagine pas un seul instant qu'ils ne sont pas des empires centralisés. D'autre part, les gens, dans le futur envisagé ici, portent bien facilement l'uniforme. Une façon de nous rappeler cruellement que le fascisme, en 1929, apparaissait encore comme une forme de modernité, et on en retrouve des relents visuels dans de nombreux aspects du film...

Mais on y trouve aussi des trouvailles rigolotes, comme cet homme orchestre à la tête d'un synthétiseur géant, durant une scène de danse (Les instruments qu'il reproduit sont insérés en surimpression, dans la version muette); dans cette même scène, la danse est rendue visuellement différente, par un mouvement arrêté toutes les trois ou quatre secondes, tous les danseurs restant immobiles un instant. A la fin de la danse, deux escrimeuses en maillot viennent remplacer les danseuses sur la piste... L'ombre de Metropolis plane aussi sur les images de l'industrie, avec ses hordes d'ouvrières venues enfiler un uniforme blanc pour travailler à l'effort de guerre. Enfin, le metteur en scène soigne sa réalisation, avec utilisation de maquettes, et des séquences de destruction assez enlevées... 

Donc oui, c'est une curiosité, dont la réception en 1929 a été sans doute assez froide. Il y avait tant de films insipides, parlants et chantants, à voir... Mais c'est aussi une preuve qu'à sa façon, le cinéma Britannique était quand même une force vivace, curieuse de tout, et qu'il y avait en Grande-Bretagne des metteurs en scène prêts à relever certains défis. Et tous, décidément, ne s'appelaient pas Alfred.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 Science-fiction