Zatoichi (Shintaro Katsu) est sans doute un masseur aveugle, mais c'est surtout un mercenaire de tout premier ordre: escrimeur de génie, il compense parfaitement la perte de ses yeux en développant tous les autres sens, et en faisant preuve d'une profonde intelligence... Les sens, nous les voyons tous en action, dès le début, car Zatoichi, s'il n'a pas besoin de cacher son handicap, a une façon surprenante de démontrer qui en douterait qu'il ne faut pas seulement se fier au fait qu'il ne voit pas. Durant ce film, qui est le premier d'une série, le scénario installe un petit suspense... On entend beaucoup parler des prouesses dont est capable le héros, mais on attendra (Qu'il ait bien mangé, bien bu, bien écouté les conversations des autres, qu'il se soit fait masser même, et qu'il participe à une après-midi de pèche...) avant de le voir en action.
Zatoichi se trouve dans le village où se passe le film, car il a été invité par le maître d'un clan, à venir l'épauler. Et justement, le clan immédiatement voisin, avec lequel la guerre est inévitable, a engagé un samouraï: redoutable, mais déchu car il et alcoolique et tuberculeux, Hirate (Shigeru Hamachi), prend lui aussi son temps, et la rencontre, autour de cannes à pèche et au bord d'une rivière, est inévitable entre les deux hommes.
Zatoichi, qui n'aime pas les hommes qui sont des yakuzas comme lui, car il estime qu'ils ont sous prétexte de se mettre en dehors de la société laissé leur code de l'honneur de côté, ne cherche absolument pas à séduire ses "collègues" et employeurs; il est par contre fort civil avec les domestiques, ceux qui travaillent (Un cuisinier a tout son respect, d'autant qu'il confectionne des choses qui sentent très bon!), les femmes aussi qui sont elles, par contre, facilement séduites par la gentillesse et la force du personnage. Mais il garde pour Hirate une forte sympathie, et leur relation paradoxale va trouver son point culminant dans une confrontation dramatique, qui est courte, mais traitée à la fois comme une scène d'action... et une scène d'amour aussi. Non que le personnage de Zatoichi soit un étendard homosexuel, mais l'idée reste permise... Il a trouvé un égal et le tuer, pour lui, est à la fois nécessaire, et insupportable.
Le film est superbement construit, de bout en bout, et montage et mise en scène se conjuguent dans une efficacité narrative imparable. La tranquillité de Zatoichi, sa lenteur, sa sagesse, et bien sûr son humour, font beaucoup pour rendre le personnage irrésistible... Le film nous donne à voir un conte, dont nous concluons assez vite que l'humanité des Yakuzas, membres de clans, guerriers, mercenaires et autres porteurs de sabre à la petite semaine, ne sont finalement que des médiocres. Mais pas Zatoichi! Nulle surprise donc dans le fait qu'après ce film, il y ait eu une vingtaine de suites... Qu'on a diablement envie de voir.