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25 novembre 2017 6 25 /11 /novembre /2017 10:11

Après The silence of the lambs, on n'attendait sans doute pas ce film... Jonathan Demme non plus, d'ailleurs. Il a mis cette nouvelle aventure en chantier à la suite de deux événements: d'une part, l'annonce par un de ses amis qu'il était atteint du SIDA, et d'autre part le fait que la communauté gay Américaine reproche au fabuleux thriller du metteur en scène, qui venait par ailleurs d'obtenir un succès phénoménal ainsi qu'un des plus mérités parmi les Oscars du meilleur film de l'histoire, un personnage qui pouvait être interprété comme une vicieuse image d'homosexuel criminel. Ce n'était pas l'intention, mais Demme a conclu qu'il était peut-être temps que le cinéma des studios fasse son examen de conscience et avance enfin, afin d'intégrer dans le bon sens l'homosexualité.

Oui, l'homosexualité, pas le SIDA: c'est l'un des atouts majeurs du film, de montrer que la maladie, à son arrivée, a été immédiatement assimilée à la communauté homosexuelle, et est devenue dans l'attitude du grand public une façon d'exprimer le rejet de ces gens différents; on se rappelle, et si ce n'est pas le cas, autant le redire, ce sera éducatif, d'un candidat à l'élection présidentielle de 1988 en France, qui avait mis dans son programme l'idée de rassembler les gens atteints de la maladie dans des camps. 

Prenant acte de la confusion entre homosexualité et SIDA, et de la nécessité d'un cinéma au plus près de la réalité, le metteur en scène a installé son petit théâtre dans la ville même de Philadelphia, et a investi les hôpitaux, tribunaux et cabinets d'avocats dans la "cité de l'amour fraternel", le surnom de l'ancienne capitale des tous jeunes Etats-Unis...

Andrew Beckett est un avocat brillant, doté d'un charisme et d'une énergie phénoménale. Il est promu d'une façon spectaculaire par ses patrons, et l'avenir ne peut que sourire... Sauf qu'il est séropositif, suite à une rencontre malheureuse dans les années 80, et qu'il a beau tout faire pour combattre la maladie, celle-ci tend à prendre le dessus. Et suite à un épisode malheureux (un dossier crucial sous sa responsabilité, qui s'est mystérieusement perdu), le jeune avocat est licencié. Il ne croit pas à la thèse de l'incompétence, pense tout simplement qu'il a été viré dans des circonstances illégales et entend attaquer son ex-cabinet pour discrimination: il est persuadé que son état de santé a fini par persuader ses partenaires de se débarrasser de lui, à partir du moment où ils ont vu et compris ce qu'il se passait. Tout ce qui précède nous établit Andrew Miller comme un avocat doué, réactif, et dynamique. En dépit ou à cause de l'épée de Damoclès qu'il se trimballe durant tout le film...

Andrew Beckett va faire appel à un avocat inattendu, Joe Miller, le contraire d'un ancien d'Harvard: un afro-américain, doué, mais mal dégrossi. Obsédé par sa propre publicité tellement il peine à se faire connaître, c'est un brave homme, un peu conservateur, et franchement homophobe. Il le reconnaît volontiers... Mais s'il y a  une chose qu'il n'aime pas, c'est bien la discrimination. Là encore, Miller est un personnage entièrement défini par ses actes, et par sa vie, sans aucun excès ni stéréotype.

Le début est sans équivoque: Demme place sa caméra dans les rues de Philadelphia, et filme les gens qui vivent, avancent, jouent, courent, marchent, travaillent... Le documentariste qu'il n'a jamais cessé d'être dispute avec une grande élégance la première place avec le réalisateur de fiction qui nous a donné un thriller impeccable juste avant. Mais il n'y aura jamais conflit, le film est aussi bien l'oeuvre de l'un que celle de l'autre... Et c'est sa plus grande force. car le but de Ron Nyswaner, scénariste, de Tom Hanks et Denzel Washington, acteurs (un duo qu'on suivrait jusqu'au bout du monde), et de Demme est d'inscrire leur histoire dans le monde de 1993, et de plonger le spectateur dans la lutte des gens qu'il dépeint pour qu'on accepte enfin la différence. Le film est truffé de références à la réalité, mais aussi à l'attitude des vrais gens, à travers les décors, les lieux, les séquences parfois inutiles au script, mais essentielles à l'atmosphère: le regard presque hypnotisé d'une personne sur les lésions présentes sur la nuque de Beckett, une engueulade entre le partenaire de Beckett et son médecin, et un plan qui voit le père d'Andrew quitter les toilettes avant de rejoindre la salle du tribunal: autant de moments qui nous rappellent qu'on est autant devant la vie que devant la fiction... 

Et les scènes de procès, qui font partie bien évidemment d'un genre à part entière, dont Philadelphia est l'un des plus beaux représentants, son passionnantes à elles seules, montrant les mécanismes internes, les compromis, les improvisations. A ce jeu, Denzel Washington est fabuleux, mais il ne faudrait pas oublier l'excellente prestation de Mary Steenburgen, qui joue un personnage d'avocate du diable, souriante (C'est Mary Steeenburgen vous dis-je!), admirablement charmante... et diaboliquement ironique, quasi-méchante. Sauf que... elle fait son métier, tout bonnement.

Et Tom Hanks, récompensé par un Oscar, là encore j'insiste, mérité, fait un boulot formidable: d'une part il forme à l'écran un couple avec Antonio Banderas qui a le bon goût d'être le reflet exact de ce que vous connaîtriez d'un couple, à moins que vous ne suiviez vos amis dans la chambre à coucher! Et Beckett souffre, physiquement. Hanks ne s'est rien épargné pour nous le faire savoir: maquillage, jeux de lumières, prothèses, mais aussi tonte intégrale des cheveux, ou encore perte importante de poids... Et reprise.

Au final, Philadelphia est un film d'une honnêteté jamais prise en défaut, qui choisit un moment de l'histoire pour montrer de quelle façon le progrès peut parfois s'imposer à nous, naturellement. Mais pour le faire, il nous donne aussi une expérience inattendue: l'idée de l'ensemble de l'équipe était de fournir, avec Andrew Beckett, un ami aux spectateurs, un ami qui allait mourir du SIDA, et de donner toute l'expérience au public. D'où un constat: une bonne mise en scène est toujours une affaire de faire le bon choix. C'est ce que Demme fait ici, pour deux heures d'une expérience émotionnelle qui a l'amabilité de se déguiser en un plaisant film tout public, et de ne jamais totalement nous prendre en otage...

 

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Published by François Massarelli - dans Jonathan Demme Denzel