C'est après L'assassinat du Père Noël , de Christian-Jacque, le deuxième des films Continental. On ne reviendra pas sur l'histoire de cette compagnie créée par le nazi Alfred Greven, mais qui tournait des films sans idéologie apparente, afin de dominer la production hexagonale durant l'occupation, pas plus que sur les polémique sans fin... Le film nous intéresse deux titres: d'une part parce qu'il est bon. D'autre part parce qu'il consacre le retour aux affaires de Clouzot, éloigné des studios depuis le milieu des années 30, et une tuberculose qui avait failli l'emporter...
Six hommes au bout du rouleau, poussés par leur amitié à se serrer les coudes, gagnent une somme d'argent importante. Ils décident de se séparer afin de tenter la fortune chacun de son côté; cinq années après, estiment-ils, certains seront bien devenus riches, et pourront en faire profiter les copains.
Cinq années plus tard, donc, Perlonjour (Jean Chevrier) revient à Paris, et va trouver Senterre (André Luguet). celui-ci se débrouille bien, il est devenu propriétaire de salles de spectacles et promoteur de music-hall. Mais son copain par contre, ne va pas bien du tout... D'autant qu'il s'est fâché pour une histoire de femme avec l'un des quatre autres, Gernicot (Lucien Nat). Quand celui-ci arrive, la manique s'installe: il a vu l'un des trois autres, Namotte, se faire tuer. Puis c'est Gernicot qui disparaît... Le commissaire Wenceslas Voroboechik (Pierre Fresnay) mène l'enquête...
Trouvaille de Clouzot, le personnage de Mila Malou (Suzy Delair) vient mettre son grain de sel dans la mixture, et on en redemande. A plusieurs reprises, elle empêche le film de tomber dans le mélodrame sordide. Fresnay aussi joue sur l'humour, mais plus en demi-teintes. Il sait conserver un minimum de sérieux afin de garder l'intérêt du spectateur pour une histoire qui n'a rien de géniale, ni ingénieuse du reste. D'où, sans doute, l'importance d'avoir des distractions...
Ce Dernier des six est d'ailleurs souvent fort bien mis en scène, de la mise en valeur de la gouaille typiquement parigote de la plupart des intervenants (Là encore un apport de Clouzot, le roman adapté étant quand même un peu Belge sur les bords) à l'atmosphère de film noir qui prend souvent le dessus. Lacombe a fait un beau travail, c'est son meilleur film... Suzy Delair a souvent dit qu'elle se rappelait la présence de Clouzot en permanence sur le plateau, et c'est sûr que l'envie de mettre en scène était probablement ancrée en lui, mais de là à lui attribuer tous les mérites, il y a un pas.
Tout au plus pourra-t-on dire que le futur metteur en scène a su donner un dialogue formidable, et un découpage exemplaire, ce qui est déjà beaucoup. Mais le film pâlit un peu quand même face à L'assassin habite au 21, qui sera lui, le premier des films 100% Clouzot.