Oui, c'est bien une comédie: à sa façon, Sofia Coppola reprend pour elle une observation à la Tati, en nous donnant à suivre les aventures de Bob (Bill Murray), un acteur venu à Tokyo cachetonner dans la pub, et fuir sa famille, et de Charlotte (Scarlett Johansson), la diplômée de Philosophie qui se perd dans un mariage avec un photographe de stars (Giovanni Ribisi) qui lui est de plus en plus étranger, la réalisatrice nous donne à voir un décalage qui débouche sur une certaine forme de poésie...
Sofia Coppola a pris son temps, et elle a réussi le passage au second long métrage: cette chronique douce-amère sur la rencontre en terrain peu propice (A Tokyo, pour deux occidentaux qui ne parlent pas la langue) de deux solitudes forcées, deux personnages en pleine crise se demandant si la voie amoureuse qu'ils se sont choisi est la bonne, est une merveille de délicatesse, aidée bien sur par l'excellence des deux acteurs (Bill Murray et Scarlett Johansson), et la réussite à rendre de façon physique au spectateur les difficultés à évoluer en plein cirage pour deux noctambules en plein décalage horaire. Ce dernier aspect, qui va plomber Somewhere sert particulièrement bien ce film-ci, dont le succès a été on ne peut plus mérité.
On aime la rencontre magique entre deux personnes que tout opposait dans la mesure où ils n'auraient sans doute jamais du se rencontrer, et aussi parce que les convenances, sociales, professionnelles ou même tout simplement affectives ne jouent pas en leur faveur... sans parler bien sûr de leur différence d'âge.
Il est plaisant de se perdre dans ce film, et son décalage permanent entre bande-son (le Japonais omniprésent) et l'image (voyez la situation avec les yeux de Bille Murray!), et de suivre les acteurs jusqu'à une fin d'une rare élégance: ni fermé ni ouvert, ce dénouement qui nous montre les deux amoureux (et non amants, car il n'ont pas consommé!) se faire des messes basses est la porte ouverte à toutes les évasions...