A Pimento University, une belle Université qui est située dans un cadre bucolique, on assiste à la rivalité entre les valeureux frères Dover, Tom, Dick, et Larry, et l'infect Dan Backslide, qui se présente lui-même comme un lâche, une brute, un goujat et un voleur. La rivalité porte surtout sur le fait que les trois frères, comme l'affreux moustachu, tous convoitent la belle Dora Standpipe.
La liberté occasionnelle d'une équipe d'animation peut parfois produire des choses étonnantes. Jones en particulier a beaucoup expérimenté, avec la forme, le ton, la répétition... On lui doit des chefs d'oeuvre expérimentaux du dessin animé, aussi bien que des tentatives douteuses... Mais ce film tient de la première catégorie. Tout en étant particulièrement étrange, ainsi que sérieusement en avance sur son temps.
C'est pourtant dans les années 40 qu'aura lieu la grande mutation du dessin animé aux Etats-Unis, avec la création du studio UPA. Mais ce film dépasse tout ce qui allait être tenté des années plus tard, car Jones ne se contente pas de bouleverser le genre en trafiquant le dessin et le design fondamental de ses personnages, il impose aussi à la mise en scène une froideur inattendue (e qui chez certains provoque d'ailleurs une réaction de rejet - ce n'est manifestement pas mon cas!), et expérimente avec la narration, répétition, la suspension des personnages (le personnage féminin en particulier réussit à ne pas bouger du tout, comme une figurine qui serait bougée à la main par un enfant en train de jouer...
Le cadre est une allusion au style d'intrigue adolescente des romans du début du siècle, et une partie du dessin ici est sous une influence directe des premiers maîtres de la bande dessinée: on pense, devant la stylisation de Dora Standpipe, à Winsor McCay par exemple. Mais très vite, Jones pousse les situations liées aux clichés de ce type d'histoire vers des extrémités inattendues, en particulier avec ces trois personnages complémentaires mais peu harmonieux que sont les trois frères Dover...
A chaque fois qu'on parle d'eux, c'est toujours la même chose: on les nomme les uns après les autres, Tom, Dick, Larry... Et le locuteur prend particulièrement son temps. Pourtant le film repose aussi sur des effets de vitesse, qui sont liés à l'utilisation alternée de plans fixes, et de mouvements distordus: l'effet produit est qu'on l'impression que les personnages vont tellement vite que leur contour a bavé... Voir photos:
Bref, dans ce film, le metteur en scène touche-à-tout s'est fait plaisir, et a produit un film qui n'est sans doute pas facile à appréhender, mais dont la vision répétée est fascinante, et à voir le nombre d'allusions à ce film dans les dessins animés produits depuis, et la glorieuse descendance de ce film, par les "amateurs" (Détournements, clins d'oeil, déguisements, allusions aux gestes et aux attitudes personnages, etc), telle qu'elle est disponible sur internet, prouve une bonne fois pour toute que nous avons là un classique, dont nous allons prendre congé en disant au revoir:
Au revoir.