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19 février 2018 1 19 /02 /février /2018 09:40

En 1968, la censure "interne" du code Hays n'a plus lieu d'être, et ça se sent dans cet étrange film, qui tente beaucoup de choses dans l'air du temps (une utilisation savante et compliquée, mais souvent aussi très novatrice, du split-screen, une certaine franchise dans l'évocation de la sexualité et du crime...), mais se résume au final à une étude assez volontairement froide de l'enquête menée par la police de Boston entre 1962 et 1964 pour trouver le meurtrier de 13 femmes. Une étude factuelle, clinique, méthodique, et souvent court-circuitée par un point de vue doublement paradoxal: celui, ou plutôt ceux, du tueur.

Car la thèse qui prévaut est que Albert DeSalvo, "l'étrangleur de Boston" est atteint de troubles dissociatifs de la personnalité d'une rare ampleur...

Le film commence par une partie d'une heure, durant laquelle on oscille entre les meurtres mis en scène de façon mystérieuse, avec utilisation de "split-screen" qui fragmentent les points de vue, et nous donnent parfois à voir AVANT les protagonistes ce que eux vont découvrir. On assiste à l'arrivée sur l'enquête de John Bottomly (Henry Fonda), qui est prié par les autorités locales de créer ce qu'on va appeler le "Strangler's bureau", une unité entièrement dédiée à l'enquête autour des crimes. Inévitablement, la presse et la télévision sont également de la partie, et participent à la structure en comptabilisant les crimes...

Tout ce chapitre du film, d'une durée approximative d'une heure, est consacré à ce piétinement organisé, et on y limite les interventions du tueur à des plans et des séquences riches en suspense dans lesquels l'identité du tueur nous est cachée. Les signes habituels (la silhouette, des plans subjectifs, mais aussi une paire de chaussures caractéristique) nous sont montrés, maintenant l'intérêt. C'est dans cette partie que Fleischer multiplie le recours à la division de l'écran... Ce qui a un effet intrigant, et paradoxalement renforce la froideur clinique de l'ensemble par la description multi-angles des circonstances de chaque meurtre! Durant cette partie, nous voyons aussi à quel point il semblait séduisant pour certains de se proclamer le tueur...

Et la deuxième partie, bien sûr, commence par une rupture narrative et structurelle: on s'intéresse aux journées de Henry DeSalvo (Tony Curtis): sa réaction de désespoir devant l'enterrement de Kennedy, sa famille (une épouse d'origine Scandinave, deux enfants), et son métier: il travaille à l'entretien de poêles. Ce qui lui donne accès, parfois, à des appartements... et lui fait voir des femmes. Mais il ne sait pas qu'il est le tueur, et c'est l'un des grands défis relevés par le film: en le suivant, nous le comprenons. C'est confirmé par un dialogue entre Fonda et un psychiatre, mais Flesicher et Curtis le font passer dans une séquence magistrale (Et très dure) durant laquelle DeSalvo tente de tuer Sally Kellerman, et tombe nez à nez avec lui-même, ou du moins son reflet dans un miroir...

La fin du film est surtout marquée par une confrontation entre DeSalvo, qui découvre au fur et à mesure de l'enquête et des questions qui lui sont posées qui il est vraiment, et Bottomly, qui se rend compte quant à lui, qu'il en finit, devant une enquête aussi intense, par y prendre une certaine forme de plaisir... La confrontation à huis-clos entre Fonda et Curtis, dont les défenses tombent l'une après l'autre, se déroule dans une hôpital psychiatrique, dans une pièce blanche et sans meubles. Le film s'est petit à petit vidé de tout ce qui l'encombrait, et se termine sur un inévitable rappel de la conclusion des faits: reconnu coupable a priori, mais reconnu aussi comme impossible à juger, DeSalvo a poursuivi son existence sous surveillance médicale. On n'a jamais pu prouver à 100% qu'il était bien l'auteur des 13 crimes. Il est décédé à l'âge de 42 ans, en 1973.

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Published by François Massarelli - dans Noir