A l'heure où l'on écrit beaucoup de fadaises sur la proximité éventuelle entre mai 1968 et le printemps 2018, il convient de se re-pencher sur ce film, tourné en pleine urgence, au printemps de cette désormais lointaine année qui semblait être le couronnement d'une décennie, en matière de troubles, révoltes, et protestations diverses. Une année durant laquelle il conviendra d'ailleurs de rappeler que le Printemps de Prague a été réprimé, que mai 1968 en France s'est terminé par un retour à la normale, et Martin Luther King et Bobby Kennedy ont été assassinés.
Le théâtre des opérations choisi par Lindsay Anderson et le scénariste David Sherwin était une école, une de ses écoles privées à l'ancienne, dans laquelle les garçons sont éduqués comme le furent leurs pères, grands-pères et j'en passe. Un système immuable, dans lequel on entend prévenir la sédition et former les jeunes gens à la hiérarchie sociale jugée nécessaire, en les faisant se charger de la discipline entre eux, tout en favorisant l'injustice de la violence, qui forge le caractère. Parmi ceux qui dérogent à ces règles, figurent Mick Travis (Malcolm McDowell), un élève de terminale, et ses copains... Ils tentent dans un premier temps de cohabiter avec le système, avant de se décider à le retourner contre lui...
Anderson, qui se définissait anarchiste, a mis beaucoup de son humour, de sa façon de voir les choses, et d'une sacrée envie de tout casser dans ce film, son plus emblématique, et franchement son meilleur, de très loin. Les souvenirs d'école cuisants, le rejet subi par quelqu'un qui était différent, le dépit de se voir harcelé par des gens qui sont massivement moins intelligents que vous: il a connu tout cela, et le fait passer par Malcolm McDowell. Mais justement, le film évite toute forme de réalisme, en dynamitant à plusieurs reprises la raison, surtout vers la fin, quand la révolte prend la forme d'une guérilla sanglante... Une lutte, répétons-le, symbolique contre l'oppression, pas un appel au meurtre de masse: à l'heure des "school shootings" aux Etats-unis, le film d'Anderson reste valide, car si l'école y est la principale cible, c'est toute une machinerie de répression mentale qui est visée.
Quant à la mise en scène, elle adopte un ton souvent très classique, un peu à la façon de Bunuel, mais avec des embardées en dehors de la réalité, et un choix totalement arbitraire: couleur ou noir et blanc? ...Tout dépend de l'envie du moment.