Ce film mis en scène par John Collins pour la jeune compagnie Metro est l'un des rares à survivre du réalisateur, mari de Viola Dana, et surtout connu pour son formidable Children of Eve de 1915; Blue Jeans, contrairement à son illustre prédécesseur, n'est pas un grand drame social, mais plutôt une sorte de mélodrame modèle, qui compense les clichés les plus éculés dispensés dans le script par une mise en scène fabuleuse, et très en avance sur son temps...
La jeune June (Viola Dana) est une orpheline qui a fui l'institution où elle était placée suite à la mort de sa mère qui l'avait élevée seule. Elle porte un seul ensemble de vêtements, notamment une salopette en jeans, trop grande pour elle, d'où le titre du film. Sur son chemin, elle rencontre et sympathise avec un homme un peu plus âgé qu'elle, le fringant Perry Bascom (Robert D. Walker), et ils tombent amoureux l'un de l'autre. Bascom souhaite faire son possible pour se faire élire au congrès, en remplacement du politicien corrompu en place (Clifford Bruce), qui a des méthodes très peu orthodoxes en effet. Les deux tourtereaux se marient en secret, et Perry se présente aux élections, mais une mystérieuse femme prétend qu'il est déjà marié avec elle, et qu'il l'a abandonnée... Le jeune homme doit quitter momentanément son épouse pour trouver des preuves qui vont le disculper; pendant ce temps Junie doit affronter la colère morale des pisse-froids de la paroisse...
Je passe sur le fait que June est recueillie par des braves gens un tantinet rigoristes qui s'avèrent, par un miracle typique, être ses authentiques grands-parents, on l'aura compris, le film qui était une adaptation d'une pièce qui avait remporté un succès phénoménal, n'a rien à envier à Way down east, par exemple, en matière de cornichonnerie mélodramatique. Et Collins n'est pas dupe, lui qui démine le mélo justement, en utilisant un maximum de flash-backs pour faire passer les pilules les plus grosses, celles-ci devenant instantanément subjectives...
Mais surtout il conte son film avec un talent particulier pour doser les péripéties à coup de montage savant. Il dirige ses acteurs avec une subtilité enviable (la performance du grand-père joué par le grand acteur Russell Simpson, futur acteur de John Ford, est formidable) Et il utilise à merveille le gros plan spectaculaire, et... il a accompli un miracle qui fera des petits: une scène de suspense avec tentative de meurtre à la scie, qui débouchera sur des censures multiples dans un grand nombre d'états. Bref, c'est à voir impérativement, avec toute l'indulgence nécessaire pour l'intrigue...