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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 16:33

Londres, mai 1997: le Travailliste Tony Blair (Michael Sheen) devient premier ministre après 18 ans de pouvoir conservateur. La reine Elizabeth II (Helen Mirren) est à la fois amusée (elle rappelle à qui veut l'entendre que c'est à elle que revient la tâche d'entériner le choix de la nation, et de le guider, comme elle l'a fait pour les neuf précédents), et agacée (Ce blanc-bec est affublée d'une réputation d'indécrottable modernisateur, et elle estime que Monarchie et modernité ne font pas bon ménage... De son côté, Tony Blair est lui aussi pris entre deux feux: avec le soutien de ses proches, dont son épouse Cherie, il entend en effet révolutionner la nation, et ce dès que possible. Mais il est aussi, et peut-être surtout, impressionné d'être amené à fréquenter la Reine...

Aout 1997: l'ex-princesse de Galles, Lady Diana Spencer, décède en compagnie de son petit ami, sous le pont de l'Alma à Paris. La nouvelle parvient assez rapidement au premier Ministre, mais aussi à la famille Royale en résidence à Balmoral. Chez ces derniers, des dissensions apparaissent: la Reine entend bien respecter le protocole, qui n'a rien de prévu en cas de décès d'un ex-membre de la famille Windsor; mais le Prince Charles souhaite que sa mère s'implique plus, ne serait-ce que par égard pour ses deux petits-fils. Tony Blair assiste à une situation inattendue: la famille Royale semble en quelques jours tout son crédit auprès de la population, qui ne comprend pas ce que la plupart des gens prennent pour de l'indifférence, pendant que l'entourage du Premier Ministre le pousse à tirer avantage de la situation en construisant sa popularité sur le dos de la Reine...

Ce n'est en aucun cas une biographie, juste une série de variations sur un petit bout d'histoire relativement récente; Ces quelques mois nous sont contés à l'aide de reconstitutions plus ou moins historiques (discours publics, obsèques de Diana, couvertures de journaux, reconstitution d'allocutions télévisées, mais aussi d'extrapolation sur ce que l'on sait ou ce que l'on peut deviner de la vie des protagonistes (un déjeuner chez les Blair, l'heure du coucher à Balmoral, une chasse entre le prince Philip et ses deux petits-fils, ou la rencontre entre Tony Blair vainqueur, et la Reine qui doit lui proposer de former un gouvernement, selon l'usage... Le script de Peter Morgan (manifestement très bien renseigné) est malin, tissant une série de liens intéressants entre les scènes, prenant finalement aussi bien la famille Royale que le premier ministre dans le même tourbillon... On peut regretter une tendance didactique un peu voyante, qui pousse les personnages à se parler de choses dont on n'imagine pas une seule seconde qu'ils parleraient dans la vraie vie, car le but est d'affranchir le spectateur: "Bonjour, M. Blair. Savez-vous que vous êtes mon dixième premier ministre?", ou encore "Majesté, vous allez rencontrer M. Blair. Savez-vous qu'il a reçu une éducation digne de la noblesse?"... C'est voyant et un peu irritant. Par contre, les idées surprenantes et pas forcément voyantes de mise en scène abondent: la façon dont les scènes se "répondent" parfois, ou se complètent, ou encore le choix de différencier les scènes situées chez les Blair (ils sont à la fin de leurs vacances, dans leur foyer) tournées en 16mm, et les scènes de la Famille Royale qui bénéficie de l'utilisation du 35 mm, apparaissant d'emblée plus luxueuse... 

Mais la grande force du film reste le fait de ne jamais prendre parti d'une façon ou d'une autre, et de laisser à l'écart du centre du film les gens qui auraient pu, pour une raison u une autre, en être les antagonistes: Cherie Blair et ses dents qui rayent le parquet, ou cet abominable vieux connard de Prince Philip, avec ses idées d'un autre millénaire, voire la Reine mère, totalement indifférente à la mort de la princesse, ne sont que tapisserie, dans le conflit inattendu qui oppose un premier ministre souhaitant aussi respectueusement que possible, montrer la voie à une Reine qui n'a pas, selon lui, choisi la bonne démarche dans la crise qui occupe le pays, et d'autre part une Monarque qui fait exactement comme d'habitude dans la mesure où elle n'a pas compris que l'opinion, et ce qu'elle attend de sa reine, a changé. La modernité, elle s'en rend bien compte, est déjà là...

Le film bénéficie aussi de l'impressionnante couverture médiatique des événements de l'époque, et si Frears s'est gardé de mélanger les acteurs (Mirren et Sheen) et les vrais protagonistes avec un indigeste mélange d'images authentiques et de recréation, il a laissé toutes les images ou presque de Diana et de la famille Spencer être représentées par des films d'archives. D'une part, par ce qui me semble être une distance respectueuse, ensuite parce qu'après tout, Diana Spencer n'est en aucune cas le sujet du film... Ce dernier tient probablement plus dans le rapport de face-à-face, hebdomadaire et emprunt de formalité, tout en étant foncièrement intime, entre la Reine et son Premier Ministre. Et avec ce film, on comprend que pour Elizabeth II Windsor, cette période durant laquelle il a fallu batailler contre la nation émue, et aller contre sa nature, a été finalement un traumatisme bien plus grand que l'annonce du divorce de Charles et Diana... Et Elizabeth... pardon, Helen Mirren est bien sûr fabuleuse. Mais bon, vous vous en doutiez un peu, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Stephen Frears