L'été 1959: à Newport, Rhode Island, le festival de jazz bat son plein pendant qu'un certain nombre de yachtmen s'amusent sur l'eau... Thelonious monk, le quintet de Chico Hamilton, le quartet de Gerry Mulligan avec Art Farmer, Louis Armstrong en compagnie de Jack Teagarden, Anita O'Day, Mahalia Jackson, Jimmy Giuffre, Sonny Stitt et plein d'autres, dont Chuck Berry (!) jouent devant un public aux anges...
En cet été 1959, le jazz est sans doute l'un des domaines les plus volontiers intégrés, au sens Américain du terme, de toute la société: certes, une grande majorité du public de ce festival mythique est blanche, mais les musiciens qui se succèdent sur scène, eux, sont de toutes les couleurs. Un musicien aussi blanc que Gerry Mulligan, avec sa tignasse rousse de géant Irlandais, peut désormais se produire en quartet avec un blanc et deux noirs, sans que quiconque y trouve à redire... Et la caméra est désormais autorisée à le capter sans qu'on y trouve quoi que ce soit de bizarre (pour info, quand en 1943 Duke Ellington était filmé par la MGM dans un long métrage, il fallait remplacer les quelques musiciens blancs de l'orchestre afin d'éviter d'envoyer le mauvais message de mixité aux masses de spectateurs!). De même, Louis Armstrong, ambassadeur de bonne volonté devant l'éternel, joue-t-il au sein d'une troupe bigarrée, dont le batteur d'origine Philippine Dany Barcelona n'est sans doute pas le moins exotique...
...Et tout le monde prend, manifestement, du bon temps: c'est la leçon principale de ce long métrage commandité par George Avakian, des disques Columbia, dont le festival de Newport a souvent été une source non négligeable de "coups" publicitaires pour leur écurie phénoménale de jazzmen. 10 années avant Woodstock, c'est un peu la même impression d'échappée fabuleuse à l'écart du monde qui vous est proposée dans ce film aux séquences inégales (tout dépend si vous êtes fan de Mahalia Jackson ou de Chuck Berry!), mais dont les caméras qui vont partout, révèlent comme une idée très tangible d'un profond bonheur collectif. Et pendant certaines séquences, ce bonheur, doublé de l'humour très particulier de l'un ou l'autre des protagonistes musicaux, débouche sur une pépite absolue: Anita O'Day, pour deux chansons, en est un exemple frappant.