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2 juin 2018 6 02 /06 /juin /2018 11:27

Au commencement, Borzage adopte tout de suite la charte du film noir, qu'il fait sienne sans aucun problème, et avec autorité: le film débute par une séquence baroque qui nous conte le cruel destin de Jeb Hawkins, le père du héros. Nous voyons ses jambes, il marche encadré par deux hommes, il y a du public... puis ils montent les marches d'une structure en bois. Sur un mur au fond du champ, l'échafaud est plus que visible. L'homme est exécuté, on passe à la chambre d'un bébé qui pleure, sur son visage, l'ombre d'une poupée se balance dans le vide. On sait dores et déjà que le destin de Danny Hawkins est tout tracé. Plusieurs séquences nous montrent son enfance, son adolescence, aux prises avec les gamins locaux qui lui rappellent en le harcelant physiquement la fin de son père...

1948, dans un état du sud, en plein marécage, un bal se tien sur une structure flottante. Danny Hawkins (Dane Clark) et Jerry Sykes (Lloyd Bridges) se battent. Sykes, un fils de banquier local, est le princpal tourmenteur de Danny depuis toujours, et ils se disputent les faveurs de la même jeune femme, Gilly (Gail Russell). les deux hommes se battent vigoureusement, mais Jerry fait monter la tension de la panière qu'il préfre: rappeler encore et toujours à Danny la mort de son père... Jerry se saisit d'une énorme pierre, Danny la lui prend et frappe plusieurs fois. Jerry Sykes est mort, et Danny est saisi immédiatement de tout le sens de sa culpabilité...

Puis il tente de se contenter de revenir à la vie, et de faire comme si. En particulier, lui et Gilly (qui a pourtant consenti à se marier avec Jerry), s'avouent leur amour, et commencent même à le vivre, dans une maison abandonnée à l'écart du village... Mais très vite, la culpabilité et l'appréhension (quand le corps sera-t-il découvert?) prennent le dessus. 

Lors des nombreuses errances de Danny, de ses conversations avec Gilly, celles avec son ami le vieux Mose (Rex Ingram), un noir qui lui tient lieu de père de substitution, ou encore lorsqu'il est avec Billy, un jeune homme sourd et muet qui est l'un des rares de son âge à l'avoir pris en amitié, il tente de reprendre le dessus sur sa descente aux enfers, et retrouver la décence d'un être humain. Mais pour ça, il lui faudra faire une chose, et une seule...

Moonrise tranche complètement sur le style des trois autres films Republic de Borzage: il est noir à tous les sens du terme: le genre bien sûr, mais aussi une prépondérance pour les scènes nocturnes; une certaine tendance à explorer le désespoir, et on peut ajouter le fait qu'une grande partie du film se passe dans les bois marécageux d'une petite ville sudiste, bien à l'écart du monde...

Et une fois de plus, le miracle s'accomplit: Borzage dirige magnifiquement ses acteurs entre tension et exaltation, et installe son drame en quelques minutes. Plongé au coeur de la tragédie dès le départ, le spectateur n'a aucun mal à adopter le point de vue d'une personne qui aux yeux de la société est un criminel... Mais personne ne le juge, à part sans doute les deux parents de la victime... Mais on les comprend, non? Le shérif (Allyn Joslyn) est d'ailleurs très clair: quand il le décidera, Danny dira la vérité, et alors il sera de nouveau un homme, et sera traité comme tel. Et Danny, aidé par l'amour fou de Gilly (qui se joue des conventions, des limites, des règles et de l'isolement, qui accomplit des miracles: on le connait, si on a vu les films de Borzage), va prendre le temps nécessaire, mais prendra finalement la décision qui s'impose à lui.

C'est le dernier grand film d'un immense cinéaste... Il y revisite son style, y adopte des éléments de vocabulaire qu'il n'avait pas tenté jusqu'alors (le début fait penser à du Curtiz en plus baroque encore), et ré-adapte le style de ses films de la fin des années 20, avec brio.

 

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Noir Criterion