Dans le petit royaume de Karlsburg, le jeune prince héritier Karl Heinrich (Philippe de Lacy) arrive chez son oncle le roi Karl VI (Gustav Von Seyffertitz). Malgré la présence du Dr Jüttner, un précepteur qui lui sert de père de substitution, et un ami en même temps qu'un éducateur (Jean Hersholt), la vie est rude pour le jeune prince, qui n'a pas la possibilité ni de sortir, ni d'avoir d'authentiques amis de son âge... Devenu adulte (Ramon Novarro), il doit partir pour l'université de Heidelberg, où il compte bien rattraper le temps perdu en faisant le plein de plaisir et d'amitiés. En compagnie du Dr Jüttner, le jeune prince va y trouver un bonheur immense, mais fugace, surtout dans les bras de la belle Kathi (Norma Shearer)... Fugace car le prince insouciant va vite être rattrapé par l'annonce de la maladie du Roi, et bien entendu par la raison d'état... Comment dans ces circonstances donner sa pleine mesure à ce qui n'apparaîtra jamais aux yeux de la cour, que comme une amourette sans importance?
On pense évidemment à Erich Von Stroheim, et ce n'est pas un hasard; dans l'esprit d'Irving Thalberg, maître d'oeuvre du projet pour la MGM, ce film devait suivre The merry widow entre les mains du metteur en scène de Greed. Mais celui-ci, qui souhaitait écrire et réaliser ses films à sa guise, a quitté le studio, avec fracas, en fin 1925. Lubitsch, qui venait de remplir un contrat de cinq films pour la Warner, n'était que le quatrième choix pour le jeune producteur, ce dernier ayant considéré faire venir E. A. Dupont, auréolé du succès de Variétés, ou confier le travail au vétéran John Stuart Robertson. Si Lubitsch est arrivé sur le tard sur un projet qui avait déjà pris vie sans lui, il y a suffisamment insufflé de lui-même: le ton pour commencer, mélange savant de mélodrame et de comédie, et le contraste saisissant entre les décors un rien grandioses de conte de fées, et le talent du metteur en scène pour nous intéresser à un détail, à un geste, et comme le ferait remarquer Mary Pickford, à une porte...
Et surtout, il a su s'intéresser à ses personnages et leurs relations: l'amitié quasi filiale de Jüttner pour Karl Heinrich, et la relation d'irrésistible passion de Kathi et du jeune prince, entre bouffées de gaminerie friponne, et conscience aiguë des réalités de leur rang respectif: une scène me revient en mémoire: la nuit, les deux jeunes gens se voient, et Karl court après Kathi, à la fois en jeu et afin de l'embrasser, ce que la prudente jeune femme ne souhaite pas: ils sont filmés de côtés, et la caméra les suit dans un travelling latéral, qui les voit passer derrière une rangée d'arbres, jusqu'à ce que la caméra dépasse un gros arbre, mais de derrière le tronc, les deux amoureux n'émergent que tardivement: la preuve qu'un metteur en scène aussi distinctif que Lubitsch pouvait malgré tout continuer à garder son style distinctif, y compris au sein de la MGM.
Cela étant dit, le film reste avant tout un véhicule pour le studio, pour le savoir-faire MGM et pour ses stars. Mais Lubitsch, s'attaquant à une thématique qui l'intéresse (le passage difficile à l'âge adulte, la frustration née des classes sociales, et un portrait formidable de jeune femme plus adulte que son amant, qui est celle qui remettra le jeune prince devenu roi, dans le droit chemin d'une succession difficile mais nécessaire), et continuant à montrer son talent en matière de point de vue: la façon dont Karl Heinrich découvre, devenu roi, qu'aucun de ses camarades étudiants ne lui témoignera jamais plus qu'un respect froid et protocolaire, par exemple, est traitée du point de vue de Novarro, sans qu'il soit possible pour le public d'en vouloir à ces sujets zélés... Et il y a Jean Hersholt, génial acteur trop méconnu, qui joue ici l'un des deux rôles les plus importants de sa vie.