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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 16:37

Après The wicked darling, Outside the law est la deuxième collaboration de Browning avec Chaney, et quelque chose a changé... le film fait partie de la même veine, une histoire de gangsters avec rédemption à la clé, pour le personnage de Priscilla Dean, qui collaborait souvent avec le metteur en scène. Dean est une actrice intéressante, car si le maquillage tend à souligner un je-ne-sais quoi d'originalité dans ses traits, elle n'a rien d'un modèle, et possède une réalité corporelle bien plus intéressante pour Browning, qui aimait à croire en ses personnages et dans les situations qu'il filmait.

Dean est Molly Madden, la fille d'un gangster (Ralph Lewis) de San Francisco en quête de réforme. Celui-ci, sous l'influence de son ami le philosophe Chang Lo (E. Alyn Warren) souhaite devenir un homme respectable, et voudrait que sa fille prenne le même chemin... Ce qui n'est pas du tout du goût de Black Mike Sylva (Lon Chaney): celui-ci tend un piège à Madden et par une machination, l'envoie en prison pour quelques mois. Molly, dégoûtée par l'injustice et ignorante du rôle joué par Mike, est désireuse de venger son père en retournant vers une vie de criminelle. Sylva souhaite se débarrasser d'elle à son tour, en lui tendant le même genre de piège. Mais le bras droit de Mike, Dapper Bill (Wheeler Oakman), supposé mener la jeune femme en bateau, lui révèle la vérité, et ils vont doubler Mike...

Une histoire gentiment compliquée, résolue en trois actes: les agissements de Mike et la réaction de Molly occupent l'essentiel du premier; le deuxième est surtout consacrée à la période durant laquelle Molly et Bill se cachent, cohabitant dans un appartement où ils vont apprendre à mieux se connaître, et réaliser leur envie profonde d'abandonner une vie de criminels; enfin, Sylva réapparaît dans leurs vies pour le troisième acte, dans lequel ils essaient tant bien que mal de mener à bien leur projet de se ranger, tout en affrontant le danger sérieux représenté par leur ancien associé. Pendant ce temps, dans des conversations philosophiques à bâtons rompus, le chef de la police et Chang Lo échangent leurs vues sur la meilleure manière de combattre la criminalité...

Là où Browning faisait un travail efficace et au rythme marqué avec The Wicked Darling, ce nouveau film bénéficie d'une nouvelle philosophie de la mise en scène, probablement sous l'influence de Lon Chaney. Pour commencer, celui-ci a obtenu de son metteur e scène d'avoir non pas un, mais deux rôles: probablement une envie forte de se frotter à un exercice qu'il a toujours apprécié (voir à ce sujet les films Shadows et Mr Wu): le maquillage en un oriental... Donc en plus de Black Mike Sylva, qui est en quelque sorte une variation sur le personnage maléfique de The Wicked Darling, il interprète un personnage de Chinois, Ah Wing, un domestique de Chang Lo, rangé du bon côté de la loi, et désireux de protéger son maître et ses amis. Dans le film tel qu'il existe aujourd'hui (une version remontée en 1926), on suppose que ce rôle a été amputé. Du coup, ce qui frappe, c'est que Ah Wing est pour une bonne part du film un personnage décoratif, qui semble n'avoir pas d'autre utilité que de faire un peu couleur locale... Mais de même, la façon dont la vie semble surgir à l'intérieur d'un plan (par exemple à travers un détail, comme ce moment durant lequel Black Mike, au moment de quitter le restaurant, reste en arrière de ses copains, et empoche le pourboire laissé par Bill!) aide le film, et souligne la façon dont désormais Browning va agir: installer un monde devant nous, le laisser vivre, et nous laisser attraper les détails au vol. 

Le film n'en possède pas moins, dans une très belle construction, un très beau déchaînement de violence dans lequel Chaney, bien sûr, est particulièrement convaincant. Mais il n'est pas le seul: Priscilla Dean, elle aussi, donne de sa personne, dans un dernier acte marqué non seulement par la violence mais aussi par une belle présence du suspense... Un film nettement supérieur à mes yeux, à tous ceux que Browning réalisera durant son premier passage à la MGM entre 1925 et 1929.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Tod Browning Lon Chaney **