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25 juillet 2018 3 25 /07 /juillet /2018 09:10

Le réalisateur Tod Browning, en 1920 et 1921, avait enchaîné les succès pour la Universal, notamment avec ses mélodrames criminels et films d'aventure interprétés par Priscilla Dean: en particulier, The Virgin of Stamboul et Outside the law, avaient été particulièrement salués par le public. Mais pour le chef de production du studio, Irving Thalberg, le metteur en scène ne va pas tarder à devenir un problème à part entière: l'alcoolisme de Browning ne fait plus aucun doute et finit par peser sur son travail. Et... ça se voit.

White Tiger est le fruit de cette situation: un film qui attendra d'ailleurs plusieurs mois sur les étagères et a probablement fait l'objet d'un remontage, et d'un re-titrage afin de le rendre ne serait-ce que présentable... Le tigre blanc du titre est une métaphore, un animal qui symbolise les criminels aux abois, devenant soudain solitaires et plus dangereux pour autrui. 

L'intrigue commence par un prologue dans lequel Hawkes (Wallace Beery), un Irlandais un peu trop copain avec la police, dénonce son copain Donovan, qui meurt dans l'opération policière qui s'ensuit. Il laisse derrière lui deux enfants, Roy et Sylvia, tous deux persuadés que l'autre est mort... Roy va grandir de son côté, et Hawkes va adopter Sylvia, la formant à son métier de cambrioleur et pickpocket. 

A Londres des années plus tard, Hawkes devenu 'Le comte Donelli' fait passer Sylvia (Priscilla Dean) pour sa fille. Ils "travaillent" à côté de Mme Tussaud's, le célèbre musée de cire, et font la connaissance d'un jeune homme, "The Kid" (Raymond Griffith), qui est un escroc d'un autre genre: il est l'automate joueur d'échecs, caché dans le support de la machine... Bien sûr, les deux jeunes gens ne se reconnaissent pas, mais ils affichent de suite une véritable complicité. Les trois vont s'associer, et filer à New York pour y effectuer des cambriolages élaborés... 

Déguisements, faux semblants, le petit monde des attractions canailles, échafaudages criminels improbables, et triangle criminel: tout ça ressemble à l'univers de Tod Browning tel qu'il se développera à la MGM, avec son complice le scénariste Waldemar Young. Mais ce qui me frappe, c'est à quel point l'intrigue de ce film ressemble à un rêve, dans lequel un improbable scénariste bifurquerait constamment. Il y a des qualités, notamment un certain humour, mais je ne suis pas sûr qu'il était déjà là au départ! L'association entre Beery, Dean et Griffith ne tient pas le coup, et comment faire passer la pilule mélodramatique du frère et de la soeur qui ne se reconnaissent pas, alors qu'ils sont précisément en compagnie de l'homme qui a trahi leur père?

Et pourtant, il y a des qualités, et des scènes intéressantes: le prologue, qui me paraît d'ailleurs tourné dans les mêmes décors que Outside the law, et en nocturne; et surtout, une scène située vers la fin: après un long passage durant lequel Roy, entre la vie et la mort, Sylvia (les deux savent désormais qu'ils sont frère et soeur, même si on ne sait pas trop comment Roy l'a appris), et un quatrième larron (Matt Moore) ont démasqué leur complice Hawkes, et l'ont ligoté; Sylvia qui croit Roy condamné à brève échéance, veut se venger sur la personne de Hawkes, auquel elle a juré de le marquer au fer rouge! Elle saisit donc un tisonnier... C'est la nuit, il y a un orage, et le rythme lent adopté par Browning fait merveille. Et quand elle ouvre la porte qui la sépare de Hawkes, elle réalise que celui-ci s'est échappé...

Le rythme, j'en parlais il y a quelques lignes, est ce style lent et contemplatif adopté par Browning, qui laissait les acteurs faire leur travail, mais les noyait dans des gestes qui tournaient parfois à la digression. Du coup, les redondances alourdissent le film, et certaines scènes, déjà mal parties (Cette idée de s'encombrer d'un automate joueur d'échecs pour un cambriolage! et pourquoi pas une animalerie tenue par une vieille ventriloque, tant qu'on y est!!), finissent par devenir incohérentes et incompréhensibles... 

Bref, on comprend que la Universal ait eu du mal à avoir envie de sortir le film, et ait viré Browning. Ironiquement, il allait revenir pour y réaliser l'un de ses films les plus connus, les plus médiatiques, et probablement l'un des pires films jamais effectués à Hollywood: Dracula!

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Published by François Massarelli - dans Muet Noir Tod Browning 1923 **