Au sujet de ce film, Francis Ford Coppola est très clair: en 1992, il avait des dettes! D'autant qu'une grande partie de son Dracula, qui était d'abord et avant tout un projet de Winona Ryder, a été pilotée par son fils Roman Coppola, crédité aux effets visuels et à la seconde équipe; l'idée, sympathique, défendue par Coppola père, c'était que tout le monde faisant toujours la même chose en matière d'effets spéciaux, il convenait de retourner aux sources du septième art, et de réaliser des truquages optiques, de montage et d'utiliser toutes les ressources permises par une caméra (y compris la vidéo, d'ailleurs). C'est Roman Coppola qui a pris ça en charge, et quand on fait le compte des scènes présentant des effets visuels (Tous réalisés en vrai, sans CGI), on comprend que le père a tout fait pour en faire le moins possible... Sur un film qui lui ressemble malgré tout: un opéra baroque, dans lequel on s'approche au plus près du mal, avec l'option de passer 'de l'autre côté', ou pas. Ca rappelle des souvenirs, non?
Et puis il y a l'hommage vibrant au cinéma fantastique, un domaine que le réalisateur connaissait bien en tant que spectateur: la présence fantomatique de Nosferatu de Murnau est évidente, et en prime, il y a un hommage permanent au cinéma tout court, avec des techniques diverses et variées utilisées tout au long du film. Scènes tournés à l'envers, matte-painting, perspective forcée, maquettes, et... tournage avec une caméra des débuts du siècle. Les Coppola poussent même l'hommage très loin en montrant Gary Oldman et Winona Ryder assister à une représentation de films des premiers temps... Mais pas d'authentiques films, non: il y a beaucoup de petites bandes érotiques à trucs à-dedans, et elles sont là encore réalisées par Roman.
Bref, ce film qu'il juge lui-même alimentaire (Il avait VRAIMENT des dettes!!), qu'il a tourné en se bouchant le nez, vaut au moins pour son extravagance, son humour distant et son érotisme franc et massif qui encore aujourd'hui, fait rougir... Francis Ford Coppola, mais oui. A croire qu'il n'a pas tourné ces scènes frivoles lui-même. Cette obsession, pourtant, de l'érotisme et du sexe, et du rapport brûlant entre la passion et le sang, est une façon d'ancrer ce film baroque et excessif, à l'âge du SIDA. Une façon un peu gratuite, maladroite, mais séduisante justement par son caractère unique. Quant à Bram Stoker, il a bon dos, car si Coppola assure avoir voulu adapter le romancier Irlandais, il passe son temps et son film à citer Murnau et les dialogues du film de Browning, prononcés par Gary Oldman avec l'accent de Bela Lugosi