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7 août 2018 2 07 /08 /août /2018 09:02

Ce Dracula hispanophone, miraculé des archives poussiéreuses de la Universal, a tout pour être une curiosité, une note en bas de page de la grande histoire du cinéma. Ce qu'il est. Mais pas que... A l'origine de sa conception, deux choses: d'une part, la compagnie décide de se lancer dans la production de films d'épouvante afin de créer un genre à part entière dont deux ou trois de leurs films, dans le passé, ont pu contribuer à tracer les contours: The cat and the canary (1927) et The man who laughs (1928), tous les deux de Paul Leni, mais surtout The Phantom of the opera (1925), de Rupert Julian sont donc les précurseurs de toute une vague, qui commence avec le Dracula de Tod Browning. D'autre part, en ces temps de réadaptation de toute la machine cinématographique, la question des langues étrangères se pose de manière importante: comment importer les films dans des pays qui ne parlent pas la langue? Les sous-titres ne s'imposent pas encore, et si cet abruti de Mussolini a inventé le doublage, cette pratique éhontée, il n'est pas encore accepté par tous (et ne sera d'ailleurs jamais accepté par les anglo-saxons, qui eux ont du goût). L'idée de créer des versions multiples vient de là: une équipe tourne une version en langage natif, une autre dans un autre langage.

Si l'essentiel de cette production parallèle, dont la préservation ne s'imposait pas aux yeux des studios, a disparu, les versions étrangères sont aujourd'hui disponibles pour quelques films précis (Anna Christie, The big house, The merry widow, certains Laurel et Hardy), mais ce sont des curiosités. Le cas de ce Dracula, tourné la nuit quand Browning occupait le studio le jour, reste vraiment à part.

C'est que quand je dis que Browning occupait le studio le jour, c'est une façon de parler: son unité, oui. Karl Freund, le grand chef-opérateur, dont la présence est attestée dans quelques plans de caméra mobile de toute beauté, était bien là, et les acteurs, évidemment, aussi. Mais l'acteur David Manners a toujours soutenu n'avoir jamais été dirigé par Browning; pire, certains plans et des séquences entières sont purement et simplement bâclés. Bref, le grand classique a tout du vilain petit canard. Et ça se voyait lors du tournage, à tel point que Melford avait pris l'habitude de se rendre sur le studio avant la fin des périodes de tournage de l'équipe de jour, afin de jauger le désastre, et de concevoir des idées personnelles pour sauver SON Dracula, ce film en langue Espagnole qu'on lui avait assigné.

Le résultat est sans appel: bien plus cohérent, plus long aussi (103 minutes au lieu des 74 de l'original), mieux interprété, mieux monté, bénéficiant de meilleurs soins de la part des équipes techniques, le Dracula Espagnol reste le meilleur des deux: sans Bela Lugosi, bien sûr, remplacé par Carlos Villarias, un acteur compétent, qui lui ressemble vaguement, mais qui sur-joue aussi bien (ou mal) que l'illustre histrion Hongrois. L'intrigue, adaptée d'une pièce, reste bien sûr assez tarte, et on est encore dans les années de formation du cinéma parlant, donc la diction reste lente et lourde. Pablo Alvarez Rubio, lacteur qui transpose le rôle de Renfield, a beau en faire des tonnes, il sera toujours meilleur que l'abominable Dwight Frye! A ce propos, le montage favorise Renfield, au point de fournir des explications plus étendues sur son comportement. Car le montage du Dracula de Browning a sans aucune logique amputé les développements de plusieurs scènes, qui ici sont montrées in extenso, rendant la chose au moins plus fluide et plus cohérente. 

Je ne dis pas que ce Dracula est un chef d'oeuvre, loin de là: simplement, on voit que Melford, confronté à un pensum, a au moins fait son boulot consciencieusement, et a rendu une copie décente: deux choses que Browning a été incapable de faire avec son Dracula, l'un des pires navets de son oeuvre.

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code George Melford