Tom Jones, né enfant illégitime (mais de qui? La question, elle, est légitime mais n'a pas vraiment de réponse totalement satisfaisante...), est élevé par le très digne (et insoupçonnable) Allworthy, le bien nommé. Si Tom a donc une éducation proche de celle d'un lord, il a aussi des opportunités, notamment auprès des dames... C'est donc à une suite d'aventures plaisantes, cocasses, coquines, ribaudes, et j'en passe, que nous invite ce film, de coup de théâtre en renversement de situation.
Tony Richardson a fait partie de ceux qui ont fondé une autre nouvelle vague, Britannique celle-ci, largement dominée par des films sur la classe ouvrière... Jusqu'à ce Tom Jones, qui a non seulement eu un énorme succès, mais a aussi raflé l'Oscar du meilleur film cette année-là! De la vague nouvelle française, Richardson a pris deux choses: d'une part, un refus de la recherche de perfection, afin de laisser respirer son film; d'autre part, il se livre à des petits jeux de narration réjouissants, et s'interdit de s'interdire quoi que ce soit. Il brise avec allégresse le quatrième mur, et ose en permanence improviser...
Richardson, entouré d'acteurs compétents, voire géniaux, a des idées qui vont au-delà de ces quelques transgressions formelles, et a surtout une histoire à raconter. Il se base sur un roman picaresque, un classique de la littérature populaire britannique: Tom Jones, a foundling, de Henry Fielding, est publié en 1749, et comme on s'en doute, c'est un roman haut en couleurs, qui jette le flegme britannique par dessus les orties, sans se priver le moins du monde... Et c'est un film qui vient du pays dont Truffaut, célèbre représentant d'une autre nouvelle vague, a dit un jour qu'il était incompatible avec le cinéma.
...Du reste, le film aussi fait souvent fi des convenances, qui anticipe de quelques années la grande explosion du swinging London. Tony Richardson et son casting se livrent à une petite révolution qui a le bon goût de savoir occasionnellement s'arrêter («par respect des bonnes mœurs et de notre censeur», nous dit clairement la voix off) et donc pourra être entendu jusqu'au bout, sans crainte de dame Anastasie. Mais ce qu'il nous raconte est finalement l'inéluctabilité d'une révolution des mœurs, et bien sûr de la libéralisation sexuelle qui allait venir. L'introduction du film est un film muet, avec intertitres, les personnages nous parlent parfois, nous regardent souvent, les arrêts sur image appuyés sont légion: c'est raconté d'une façon hilarante, interprété par Albert Finney, Susannah York, Hugh Griffith (parfois tellement saoul sur le tournage qu'il a fourni des cascades involontaires), Jack McGowran, Joan Greenwood et David Warner... bref: j'en redemande.