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12 août 2018 7 12 /08 /août /2018 12:37

Le deuxième film de la trilogie 'européenne' Trois couleurs de Krzysztof Kieslowski commence par une énigmatique vision, celle d'une grosse valise véhiculée sur un tapis roulant dans un aéroport... un point commun entre les trois films, celui de commencer par un mouvement lié à une idée-clé du film. La valise, symbole à la fois du voyage, du dénuement, du déracinement, et de la ressource du personnage principal, s'imposait...

Blanc partage une scène avec Bleu, dans un tribunal au début du film; dans le premier film, Julie cherche une personne au tribunal, ouvre une porte et interrompt brièvement une audience: on aperçoit donc Juliette Binoche dans Blanc, qui interrompt l'audience du jugement de divorce de Karol Karol (Zbigniew Zamachowski) et Dominique (Julie Delpy)... Blanc aborde le thème de l'égalité sous l'angle... de l'inégalité! Karol est venu à Paris, mais tout autour de lui se casse: son épouse divorce parce qu'il n'est plus capable de la satisfaire sexuellement, elle garde tout, il perd son salon dans des circonstances peu glorieuses, et par dessus le marché, il ne comprend rien à rien... il retourne en Pologne, ou la malchance continue brièvement, avant que les rôles ne se renversent. Puisqu'il ne peut conquérir son épouse par l'amour, il choisit de la faire venir d'une autre manière, et va prendre effectivement le dessus sur elle.

Le film est une comédie, comme l'était du reste Décalogue X, la précédente collaboration de Kieslowski avec Zamachowski; ce dernier s'appelle Karol Karol, ce qui revient selon Kieslowski à l'appeler doublement comme Charles... Chaplin. La photo du film est baignée de blanc, mais ce film central du dispositif est aussi marqué par un nombre incroyable d'objets bleus et rouges... les bleus revoient le plus souvent au passé (Paris et l'échec du mariage), les rouges à l'avenir: lors de sa rencontre dans le métro Parisien avec Mikolaj, l'ami qui va lui permettre de retourner à Varsovie, ce dernier porte une écharpe rouge; à Varsovie, quand ils se retrouvent, Mikolaj a brièvement une écharpe bleue, qui redevient rouge lorsque les circonstances s'améliorent; la maison du frère de Karol (Jerzy Stuhr, vieux complice depuis L'amateur en 1979, et qui jouait déjà avec Zamachowski dans Décalogue X) est envahie d'objets rouges aussi: le drap dans lequel Karol se remet de ses émotions, l'évier... Le film est au centre de la trilogie, et Kieslowski nous le rappelle constamment.

La deuxième citation de Bleu est un gag, qui donne le ton satirique du film: lors d'une scène d'amour, Dominique a (Enfin!!) un orgasme. Fondu au blanc, comme lors des épiphanies de Julie, et l'écho du gémissement tient lieu de musique. Sinon, tout comme l'expérience douloureuse de la liberté dans Bleu, ce nouveau film tend à démontrer que Karol et Dominique sont condamnés à l'absence d'égalité: si Dominique méprise le Karol Parisien, ce dernier une fois revenu en Pologne a trouvé un moyen définitif de la conserver... prisonnière! Le dernier plan montre Karol qui pleure en contemplant avec ses jumelles la femme qui l'aime, dans une cellule de prison, qui lui dit avec le langage des signes qu'elle l'aime aussi... Une fin délicate pour un film dans lequel Kieslowski retrouve sa jeunesse, avec un vrai sens de l'humour iconoclaste qu'on lui reconnait assez peu!

Ce film est peut-être, de toutes les dernières oeuvres de Kieslowski, la plus pure, ou en tout cas celle avec laquelle il réussit à aller au bout de son propos avec le plus d'aisance. Le langage, sans doute, et aussi cette atmosphère particulière des scènes Polonaises, à la fois ouatées (c'est l'hiver!) et d'un réalisme sordide, l'aident dans sa démarche. Et puis tous les acteurs sont excellents, au service d'une tragi-comédie au ton si particulier...

Reste, pour les maniaques, une interrogation: comment Karol Karol, supposé mort mais bien vivant, et Dominique Vidal, son épouse accusée de son meurtre, vont-ils se sortir de cette situation et se rendre capables de prendre le fameux ferry dans la Manche, dont ils échapperont au naufrage dans le film Trois couleurs: Rouge? Nous ne le saurons bien sûr jamais...

 

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Published by François Massarelli - dans Krzysztof Kieslowski Criterion