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23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 09:33

Les saints de glace, c'est une période que la sagesse populaire situe traditionnellement à la mi-mai, une sorte de baroud d'honneur de l'hiver, avant que le printemps finisse de s'installer. Ce qui justifie le recours au jeu de mots, sans pour autant le justifier lui totalement, c'est le fait que ce film tourné à Nice, comme tant d'autres films de Lautner (qui aimait la région et était en prime ami avec le maire de l'époque, ce salaud de Jacques Médecin), est situé pour une fois dans une saison plus froide, et en porte constamment la marque: grosses fourrures sur la plage, lumière atténuée, et cols enneigés... Un petit côté glauque qui lui sied étrangement. J'avais été agacé lors d'une précédente vision, je suis maintenant, sinon conquis, en tout cas beaucoup plus enclin à ranger le film du bon côté: clairement, ce n'est pas Ils sont fous ces sorciers de sinistre mémoire.

François Rollin (Claude Brasseur) vit à Nice, et écrit: pas des romans, et rien des très noble: il est scénariste pour la télévision et pond des épisodes de série. Il fait la rencontre, sur une plage, d'une femme seule qui le fascine: Peggy (Mireille Darc). A force d'insister, il la revoit, mais elle résiste à ses avances, et surtout elle est entourée de beaucoup de monde: un mystérieux chauffeur qui la suit en permanence, un jardinier-homme à tout faire louche, et un avocat, Maître Marc Rilson (Alain Delon), qui veille sur elle avec insistance sans que les rapports entre les deux soient d'une franche cordialité. François Rollin va comprendre très vite qu'il est fort mal tombé en rencontrant la jeune femme: elle serait selon Rilson folle, et aurait tué de ses propres mains son mari... mais que voulez-vous, quand on aime, on insiste.

Ce qui séduit ici, c'est justement la froideur de l'ensemble, le parfum de mort qui entoure ces fantômes en sursis. Delon et Darc, magistraux tous les deux, dégagent un mystère qui ne sera pas élucidé par le film: quels sont, en effet, leurs rapports? Comment se sont-ils connus? que veut, enfin, Marc Rilson, qui sait pertinemment qu'aucun homme ne possédera jamais la belle blonde, puisqu'elle tue tous ceux qui s'approchent de trop près? Quel est son lien avec sa propre épouse, mais aussi avec le commissaire local (André Falcon) qui a une étrange complicité avec lui? Le jeu tout en retenue obtenu par Lautner, allié à la précision de la mise en scène, à l'acuité de la cinématographie de Maurice Fellous, tout semble aller dans la bonne direction. 

Tout, ou presque: dans cette adaptation du roman Someone is bleeding de Richard Matheson, on entre en suivant un écrivain, ce qui est un procédé assez classique, en particulier dans un thriller: voir à ce sujet les héros de Stephen King, Paul Sheldon (Misery) ou Jack Torrance (The Shining). Mais François Rollin est interprété par Claude Brasseur en roue libre, qui se comporte du début à la fin en petit dragueur Giscardien à la noix, complètement franchouillard, dont on a l'impression qu'en permanence il va sortir un briquet et allumer ses pets pour épater la galerie. Ca gâche...

Quant au jeu de mots du titre, j'avoue qu'il m'intrigue un tant soit peu: certes, il est un peu justifié par le contraste entre d'une part la passion que semble inspirer Peggy auprès de tous les hommes qui la croisent, qu'ils soient tentés sexuellement (François, le jardinier, le frère de Rilson) ou plus philosophiquement (Marc Rilson) de la posséder, et d'autre part la froideur de toute sa gestuelle, de son regard... Mais quoi qu'il en soit, le titre me paraît surtout comme une facilité un peu puérile. ...Et une dernière chose: quand ils ont tourné la scène d'ouverture, sur la plage (la rencontre entre François et Peggy), Lautner a-t-il oui ou non donné à Claude Brasseur l'instruction de renvoyer à la mémorable séquence de drague Parisienne 1825 de son père et Arletty dans Les enfants du Paradis? Je ne serais pas étonné, même si bien sûr rien ne transparaît dans le texte.

 

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Published by François Massarelli - dans Georges Lautner Noir