Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 octobre 2018 5 19 /10 /octobre /2018 15:25

Galia (Mireille Darc) est une jeune femme qui est "montée" à Paris, après avoir vécu toute sa jeunesse à Etretat. Elle est libre comme l'air, et elle fait un travail qui lui plaît, mais est-elle heureuse? Sa liberté passe aussi par le lit, où elle confesse, dans la narration du film (qu'elle effectue systématiquement ou presque au présent, car elle vit dans l'instant) qu'elle passe beaucoup de temps avec des hommes qu'elle vient de rencontrer...

Elle va faire une rencontre déterminante, celle de Nicole (Françoise Prévost), une femme qui est son aînée de quelques années, et qui vient de se jeter dans la Seine. Galia la sauve, la repêche et la recueille, puis écoute son histoire: Nicole est mariée depuis 6 ans, et depuis 6 ans elle souffre... Ne pouvant pas réussir à se faire aimer de son mari Greg (Venantino Venantini), elle a préféré en finir. Elle demande à Galia d'aller chercher chez elle une lettre dans laquelle elle annonce son suicide à son mari; Galia se rend donc chez Nicole et Greg, où il n'y a personne, mais elle prend la décision de laisser la lettre sur place, et de s'intéresser plus avant à cette histoire qui l'intrigue. Son but premier? Venir en aide à Nicole, en faisant souffrir Greg. Vaste programme: si vous voulez mon avis, ça ne va pas marcher...

C'est un changement radical dans la production de Lautner, qui vient d'enchaîner comédie sur comédie, le plus souvent avec Audiard. Pourtant, on se rappelle de ses films noirs d'avant Le Monocle noir, qui sondaient les consciences de notre société... Galia, pourtant, n'est pas Arrêtez les tambours ou Le septième juré, juste une histoire (de Vahé Katcha), d'une jeune femme à l'époque où la sexualité change: les femmes sont désormais libres, elles aussi. Et Mireille Darc est le centre du film, avec son univers de garçonne libre comme l'air, insouciante et un peu rêveuse, qui souhaite donner un peu de sens à son existence, et, hélas pour elle, va trouver de quoi sérieusement s'occuper l'esprit!

Il n'y a finalement que trois acteurs vraiment impliqués dans le film, et l'essentiel se déroule entre Mireille Darc (excellente et très naturelle), et Venantino Venantini. Celui qui jouait "Monsieur Pascal" dans Les Tontons flingueurs, trouve dans ce rôle de séducteur latin une occasion de s'amuser avec son image. On a un peu peur la première fois qu'on le voit dans le film, par le truchement du point de vue de Galia, car elle le voit vraiment comme une abominable caricature. Mais la séduction vénéneuse, la vilenie du personnage, ses calculs insidieux, sa façon extrêmement adroite de manipuler les femmes, vont nous apparaître au fur et à mesure de l'abandon de la jeune femme dans ses bras (qui se déroule parallèlement à sa féminisation progressive, d'ailleurs).

Tout en livrant un portrait assez noir d'une jeune femme à l'ère de la liberté sexuelle, le film est surtout une variation sur la femme: Nicole, Galia, comme deux portraits différents et complémentaires, décalés dans le temps, de l'éternel féminin, sont confrontées toutes deux, victimes naïves, à un vrai, un beau, un sale, un gros con.

Lautner, qui s'amuse souvent assez froidement avec la mort dans ses films, trouve ici dans son travail avec le chef opérateur Maurice Fellous d'autre terrains de jeux: scènes nocturnes impeccables, poésie urbaine crépusculaire, jeu de narration passionnant... Galia est un changement fabuleux dans son oeuvre, qui permet à Mireille Darc de compléter avantageusement la galerie des personnages féminins du metteur en scène. Féministe? Certes pas. Drôle? Non, grinçant plutôt. Sensuel? Ca oui. Et noir, bien sûr, comme de l'encre... Un petit détail pour finir: Lautner joue dans son film! Il y interprète un chauffeur de camion qui engueule Mireille Darc dans la rue... Celle-ci lui répond, en se retournant: "Ne nous fâchons pas". C'était prémonitoire.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Georges Lautner