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25 octobre 2018 4 25 /10 /octobre /2018 16:49

Le titre original, Kanzashi, se traduirait plutôt par "l'épingle ornementale", et fait allusion à un objet qui va jouer le rôle du destin, ou d'un entremetteur, mais qui verra ses desseins réduits à néant par les circonstances... Comme dans d'autres films de Shimizu, l'action est située à l'écart du monde, et concerne des gens dont la vie pourrait bien basculer, pour le meilleur, loin de la corruption de la grande ville, si seulement...

...Si seulement il n'y avait pas de guerre: lors d'un séjour dans un hôtel de montagne (assez similaire au lieu de villégiature des protagonistes de Une femme et ses masseurs), le soldat permissionnaire Nanmura (Chishu Ryu) se blesse le pied: en prenant un bain dans une source située dans l'hôtel, il a accidentellement marché sur une épingle à cheveux laissée là. A tous ceux qui s'empressent de s'excuser, ou de lui suggérer de demander des comptes, il répond en invitant, au contraire, la femme qui a oublié cet objet dans l'eau à se faire connaître. Arrive alors sur les lieux Emi (Kinuyo Tanaka), une femme de Tokyo qui a saisi le prétexte de revenir sur les lieux pour répondre à la demande de Nanmura, afin de quitter son domicile, où elle vit avec un homme odieux... Le coup de foudre sera absolu.

Nous avons, nous, déjà vu la jeune femme lors de la toute première séquence, qui partage avec Monsieur Merci et Une femme et ses masseurs de reposer essentiellement sur un lent travelling arrière, filmant des gens qui avancent: à pied, ou en bus. Cette fois, nous voyons Emi et son amie Okiku (Hiroko Kawasaki), deux geishas qui sont en pèlerinage. Mais l'essentiel de cette exposition se passera sans la jeune femme, et est vue par deux points de vue dominants: celui, porté vers la comédie, du professeur Katada (Tatsuo Kaito, souvent vu dans les comédies de Yasujiro Ozu, était un acteur très populaire de comédies justement), et celui de Nanmura, plus grave ou plus philosophique.

Ce dernier est un soldat, mais c'est un détail qui est souvent mis de côté, au profit d'une psychologie fondée sur un positivisme à toute épreuve. Il se plaît à considérer l'accident qui va le laisser boiteux durant tout le film, comme un signe poétique du destin, et je pense que Shimizu aussi... Mais c'est surtout ce qui permet au cinéaste de faire venir la merveilleuse Kinuyo Tanaka, et à lui donner justement l'exclusivité du point de vue, car à partir de son arrivée, c'est d'elle que nous parle le film, et de son sacrifice...

Car c'est bien d'un sacrifice qu'il s'agit, dans un film qui se mue volontiers en conte triste: une fois guéri, Nanmura doit retourner à ses obligations (il dit "à Tokyo", en l'occurrence) et Emi, qui a fait le choix de ne pas rentrer en ville afin de ne pas retourner à un rôle qui est quasiment celui d'une prostituée, restera seule avec ses souvenirs, d'une idylle commencée mais condamnée probablement à ne jamais se poursuivre. Et Shimizu multiplie les signaux à son public, comme cette scène douce-amère durant laquelle les vacanciers attablés s'imaginent revenir à Tokyo et garder le contact dans la "vraie vie": l'évidence, pour le public de 1941 comme pour celui de 2018, c'est que c'est inutile de rêver. Quand à la fin du film Nanmura réussit à triompher de sa blessure et s'élève littéralement en montant les marches qui vont prouver qu'il est guéri, il laisse derrière lui Emi, qui a compris que l'avenir du jeune homme se fera sans elle.

 

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Published by François Massarelli - dans Hiroshi Shimizu Criterion