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28 octobre 2018 7 28 /10 /octobre /2018 10:35

Le 5 novembre 1968 (c'est un mardi) George (Warren Beatty) est coiffeur, et il jongle avec ses maîtresses: ce sont aussi ses clientes, à croire d'ailleurs qu'il couche avec absolument toutes les femmes qu'il coiffe... Mais nous allons surtout nous concentrer sur Jill (Goldie Hawn), qui est en réalité sa petite amie officielle; Felicia (Lee Grant), l'épouse du riche Lester (Jack Warden), et aussi Jackie Shaw (Julie Christie), qui se trouve être la maîtresse du même Lester. En ce jour éminemment présidentiel, en effet, George a du pain sur la planche: bosser (un peu), solliciter un prêt à la banque, honorer ses rendez-vous avec Felicia, venir en aide à Jill qui panique, coucher tant qu'à faire avec la fille (Carrie Fisher) de Lester histoire de compléter le tableau de chasse, et apparaître à une soirée électorale en compagnie de Jackie, invitée par Lester, donc Felicia est présente, mais tant qu'à faire Jill s'est elle-aussi retrouvée sur la liste des invités...

Difficile de résumer ce film dont l'action est circonscrite sur 26 heures environ d'un mardi électoral; amusant d'ailleurs de constater que ce film qui nous conte les premiers instants de l'ère Nixon, est sorti juste après la fin chaotique de sa présidence! Pour autant, le film n'est pas consacré à la politique, et ce rappel subliminal sert surtout à situer, de façon narquoise, dans l'esprit du spectateur, cette histoire de libération sexuelle sans queue ni tête (si j'ose dire), récupérée par ceux qui la dénonçaient probablement à l'époque des faits: c'est que George, le coiffeur pas très fin (incapable de réfléchir, il n'arrive pas à répondre autre chose que des platitudes quand on lui pose une question, est persuadé que sa réputation de coiffeur lui permettra de décrocher sans problème un prêt, et n'a qu'un adjectif à son vocabulaire: "Great!". C'est une brave andouille, traite , quelqu'un qui n'a aucune arrière-pensée quand il couche avec une femme, mais la réciproque n'est sans doute pas vraie: Jackie couche avec lui parce qu'il a couché avec sa rivale, et la fille de Felicia couche avec lui parce qu'elle déteste sa mère! 

De son côté, Lester incarne le mâle Américain arrivé, conservateur, homme de pouvoir, sûr de son bon droit, mais qui constate avec curiosité que la liberté sexuelle est là et bien là (à un moment, il répond favorablement à l'invitation d'une jeune femme nue, d'aller se baigner avec elle: "pourquoi pas?", avant de se raviser pour aller chercher une serviette). Mais il est surtout le maître du jeu, celui autour duquel tout le monde finit par tourner. Après tout, ce sont ses femmes, c'est sa réception, sa maison, et même son jacuzzi... A la fin, il accepte de financer George avec son argent, qui va, sans avoir trop compris ce qui lui arrivait, devenir son coiffeur...

La libération sexuelle est donc vue du point de vue de ceux qui n'y ont pas succombé à temps, elle est devenue un gadget, repris par les conservateurs qui a pratiquaient depuis longtemps mais sous la forme de jeux de pouvoir. Les femmes qui se battent (et la portrait est parfois particulièrement acide) dans le film se feront avoir dans l'avenir comme elles l'ont subi par le passé, et George, quant à lui, continuera probablement à bosser pour les autres, éternel second couteau parce qu'il est trop bête pour aller plus loin, et puis... Il est gentil. Trop gentil: la preuve, il ne sait pas dire non...

Hal Ashby, qui s'est manifestement amusé à recréer certains aspects de 1968, traite le film comme un film en costumes, mais surtout s'ingénie à recréer cet entre-deux si spécifique aux années 60 finissantes: un moment durant lequel les moeurs se libèrent, mais on ne s'attend pas à ce qu'une femme ose dire, en pleine réception Républicaine, "I just want to suck his cock", ce qui est suivi d'une tentative de démonstration. Une phrase qui résume à elle seule, le pouvoir acide de ce film qui met avec une certaine jouissance (pour ne pas continuer à jouer sur les mots) les pieds dans le plat. On y trouve un irrésistible air de famille avec l'admirable Being there, satire politique qui, également, repose sur l'inadéquation d'un personnage décalé.

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Hal Ashby Comédie Criterion