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28 novembre 2018 3 28 /11 /novembre /2018 18:17

Transformé, assagi, ou tout simplement inscrit dans une évolution? On a connu un Dumont embarqué dans une croisade naturaliste qui débouchait sur des films durs, tendus et dont le jeu confié à de seuls acteurs non-professionnels était VOLONTAIREMENT approximatif, sans parler des plans fixes de 14 minutes sur une vache qui regarde passer les trains... On l'a connu aussi en pourvoyeur paradoxal d'une mini-série sur Arte, P'tit quinquin, qui obéit aux mêmes principes que ces premiers longs, à savoir un tournage Nordiste avec uniquement des amateurs du cru. Une oeuvre étrange, qui distille à la fois une atmosphère burlesque et une impression forte de malaise, liée à l'impression insistante que les acteurs d'un jour étaient utilisés justement pour leur incapacité à jouer, et pour leur étrange naturel, à leur corps défendant.

C'est la raison pour laquelle Ma Loute est réjouissant: cette fois, les acteurs amateurs et débutants (certains qui jouaient pour la première fois se sont ensuite lancés dans une carrière) sont accompagnés d'acteurs professionnels, et quels: Juliette Binoche, Valeria Bruni-Tedeschi, Jean-Luc Vincent et Fabrice Luchini, qui tous d'ailleurs jouent les membres d'une même famille, des bourgeois de Lille qui sont un peu des étrangers en côte d'Opale, où ils vont passer leurs vacances, par opposition aux acteurs locaux qui tous (sauf les enfants de la famille bourgeoise) jouent des gens du peuple, et les policiers...

En 1910, sur la Côte, une série de disparitions étranges secouent une petite localité de pêcheurs. L'inspecteur Machin enquête, secondé de son fidèle adjoint Malfoy. Pendant ce temps la famille Van Peteghem prend ses quartiers d'été: le père André, la mère Isabelle, les filles, et Billy, la fille-fils d'Aude Van Peteghem, la soeur d'André. Ils seront rejoints par Christian, le frère de Madame, et Aude déjà citée. Enfin, troisième groupe de protagonistes, la famille de L'éternel Brufort, ce dernier ayant une affaire lucrative avec son fils Ma Loute: ils aident moyennant finances les riches bourgeois à traverser les gués à pieds secs.

Et accessoirement, ils les mangent: pour le spectateur, l'affaire des disparitions mystérieuses est réglée très vite! Mais ce n'est pas ce qui importe: l'essentiel, c'est la poésie rêveuse et surréaliste de cette confrontation de deux mondes, l'un brut de décoffrage (La famille de pêcheurs locaux anthropophages), et l'autre tellement décadent qu'il en est mille fois plus grotesque. C'est ce climat de loufoquerie dans lequel un policier en surpoids admet qu'il préfère descendre une dune "en roulant sur les fesses, c'est plus pratique"... Un curé à demi fou consacre les fidèles réunis pour une procession à Notre-Dame-des-Flots (La Vierge des Marins) en leur disant Pêchez, pauvres Pêcheurs, Maquereaux et Morues! et Billy, la fille de Juliette Binoche, est-elle une fille qui se déguise en garçon, où un garçon qui se déguise en fille qui se déguise en garçon? et pour finir, si vous avez envie de voir Juliette Binoche partir complètement en vrille, ou Fabrice Luchini, toutes dents dehors, clamer "Allons faire du char à voile, quoi?", ce film est votre seule chance d'accomplir ce rêve: deux heures, mais oui, de bonheur, par l'auteur de ce tas de boue gluant qu'est Twentynine Palms, ça ne se refuse finalement pas... 

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Bruno Dumont