Ce long métrage est donc le seul des films de Ida May Park à avoir survécu intégralement, contrairement à Bread et The rocky Road qui eux ne nous sont parvenus que sous forme fragmentaire, et... contrairement surtout à ceux dont rien n'a été retrouvé. Park y dirige Dorothy Phillips, une actrice qui jouait souvent les ingénues, comme dans The Rocky Road justement, mais qui est ici confrontée à plusieurs reprises à des situations risquées. Un atout majeur du film réside dans le fait que Lon Chaney y interprète quant à lui un personnage qui est à mi-chemin entre une interprétation de comédie d'un personnage peu sophistiqué à la Marcus Schouler (Jean Hersholt dans Greed de Stroheim), et un profiteur de la pire espèce, maître chanteur et malfrat salace aux mains baladeuses... Un rôle joué sans maquillage par le grand acteur.
Midge O'Hara (Dorothy Phillips) est une chorus girl, le genre à avoir quitté son trou perdu natal pour monter à la grande ville et se retrouver à l'arrière, sur scène, pendant toute une carrière. Mais elle garde l'espoir de trouver mieux, car elle a des copines, comme celle qui lui trouve un emploi pour une soirée un peu étrange: il y aura des hommes riches, au portefeuille prêt à l'emploi. Mais si elle souhaite s'en sortir, Midge n'est pas d'accord pour faire toutes les concessions... Elle va donc être confrontée à plusieurs personnages: Jack Chalvey (Harry Von Meter), un homme au bout du rouleau, amoureux transi d'une autre chorus girl un peu trop frivole, et qui menace de se suicider; le riche Henry Rockwell (William Sowell), qui prend Midge pour une fille facile et menace purement et simplement de la prendre de force à l'arrière de sa voiture, et Elmer Watkins (Lon Chaney), un ancien ami de la famille O'Hara, qui vient lui aussi à la grande ville, mais surtout pour y passer du bon temps! Et quand il voit Midge au milieu d'une troupe de chorus girls dans une fête un peu louche, il a vite fait de se faire des idées... Lon Chaney est, bien sûr, excellent dans un rôle avec autant de tiroirs.
Oui, le moins qu'on puisse dire, c'est que Midge va subir des avances d'un peu tout le monde. C'est à la lisière entre comédie et drame, en permanence, et une comédie d'un genre assez inattendu. On sent Ida May Park attirée par le jeu sur le fil du rasoir, entre situation scabreuse et résolution pour les familles... Dorothy Phillips tend à désamorcer par un jeu tout en ingénuité la dimension scandaleuse du film. Mais l'homme en prend pour son grade, dans un parcours de la combattante qui passe d'épreuve en épreuve. La scène qui est située au milieu du film, qui voit Henry tenter de violer purement et simplement Midge dans sa voiture est sans doute la plus difficile à accepter aujourd'hui, puisque le personnage va devenir l'un des futurs potentiels du personnage principal! A moins Park nous fait passer par ce biais l'idée que décidément les femmes en 1918 qui étaient attirées par la vie de bohème, pouvaient en effet passer par des extrêmes.
Typiquement, un autre aspect du film qui aura du mal à passer est un personnage, qui agit d'ailleurs en tant que révélateur des turpitudes auxquelles peuvent être confrontées professionnellement les filles qui se sont choisi une profession dans le monde du spectacle: une domestique noire qui connaît la façon dont les fiestas un peu louches se passent, conseille à Midge de suivre le mouvement. Ce n'est pas l'aspect moral qui gêne, c'est le fait que la dame est interprétée comme dans n'importe quel film de Griffith, par une actrice en black face. Quoi qu'il en soit, après avoir vu ce film entier de Ida May Park, j'en reste à mon impression initiale: j'aimerais beaucoup voir Bread en entier...