Dans ce qui est sans doute l'un de ses films visuellement les plus remarquables, Lois Weber trouve un moyen de traiter un sujet, qui poussait les metteurs en scène dans une dimension épique (rien que The Birth of a nation deux années plus tard, mais on pourrait aussi citer The Coward), en lui gardant un côté intimiste, voire privé; le film prend la forme d'un poème dont chaque vers est visualisé dans un plan en cache: un chapelet est enroulé autour d'un "hublot" par lequel on peut voir des plans du film se succéder, tous fondus les uns dans les autres.
Un homme (Smalley) et une femme (Weber) s'aiment, c'est le printemps, la nature est en fête... Mais c'est aussi la guerre civile, et les Sudistes sont aux portes du village: il fait se défendre. L'homme part donc au combat, et les deux amants gardent le contact par leur chapelet... Jusqu'au jour où la nouvelle de la mort du jeune homme est annoncée à la famille. Alors bien sûr qu'il est vivant. Le coeur brisé, elle décide d'entrer dans les ordres...
C'est un ressenti personnel que le film donne à voir, celui de deux êtres séparés par le destin et la guerre; le choix de tout filmer comme si on le voyait à travers un chapelet est incongru, mais ça donne une imagerie très particulière au film. Et l'objet, qui sert de lien entre les amants, va devenir le symbole cruel de leur séparation lorsque le chapelet de la jeune femme servira non plus le souvenir de ses amours, mais plutôt son sacrifice personnel vers la religion... Très plastique et un peu vain, le film a eu un énorme succès et était considéré à son époque comme un modèle de mise en scène.