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28 décembre 2018 5 28 /12 /décembre /2018 18:14

This day and age est à la fois l'un des films les moins vus et les moins connus de Cecil B. DeMille, et une cause célèbre, un de ces films à la réputation sulfureuse. Pas pour des raisons d'excès de zèle dans le représentation du sexe, ou pour un quelconque prosélytisme religieux, non: ici, le mot qui fâche par un F... F comme fascisme. Nous sommes en 1933, et tout le monde à Hollywood est fasciné par Mussolini et dans une moindre mesure par Hitler, celui-ci ayant quand même le racisme trop voyant... Pourtant le film qui nous occupe n'a rien d'Italien, ni d'européen. C'est une histoire située dans une communauté de moyenne importance, dans les années 30...

Au lycée public, les garçons et les filles se préparent à vivre une expérience formatrice: ils vont durant une journée assumer le rôle d'un édile, d'un responsable du service public, ou d'un responsable de la sécurité publique. Ainsi, par exemple, Steve Smith (Richard Cromwell) sera procureur. Une expérience qui est destinée à leur ouvrir les yeux, même si Smith et ses copains sont dans l'ensemble des braves garçons et filles: même Morry (Ben Alexander), son rival pour les beaux yeux de Gay (Judith Allen) a beau être un peu voyou, et pas religieux pour deux sous, le vertueux Smith le maintient dans son groupe d'amis. Gay, de son côté, est tentée... mais elle ne sait pas exactement par qui, ni par quoi. Sous l'influence de Morry, elle traîne un peu dans le night-club de Louis Garrett (Charles Bickford) où elle attire l'attention de Toledo (Bradley Page), première gâchette du truand Garrett...

Pendant ce temps, tout irait mieux dans le meilleur des mondes, et Smith et ses copains continueraient à se retrouver chez leur ami, le tailleur Juif du coin, Herman... Si celui-ci n'était éliminé par la machine de Garrett: celui-ci, qui travaille pour une mafia locale, était venu lui faire comprendre qu'il fallait payer et adhérer au "syndicat", s'il voulait continuer à travailler ...ou respirer, et la discussion a tourné court. Les garçons, qui voient la justice et la police s'écraser devant Garrett lors de son procès, voient rouge et décident de faire justice eux-mêmes...

Nous y voilà: le film, à l'instar d'autres oeuvres de l'époque (The Cat's paw, de Sam Taylor et Harold Lloyd, Gabriel over the White House, de Gregory La Cava, ou encore Meet John Doe de Capra) s'intéresse à ce moment où le citoyen devient inventif et décide de régler ses comptes lui-même. Une ligne rouge à ne franchir que dans une comédie (Le Lloyd, par exemple) sinon la sanction sera dure! La plupart de ces films ont d'ailleurs fait de monumentaux flops au box-office. Malgré tout, on se pose la question: en imaginant cette histoire dans laquelle des garçons s'improvisent juges, policiers, et bourreaux, et vont jusqu'à torturer un bandit, DeMille voulait-il se placer dans une limite acceptable du fascisme?

Disons que ce qui a fait tiquer plus d'un critique, et qui reste aujourd'hui le plus difficile à accepter, c'est la torture à laquelle un groupe d'une centaine de gamins soumet Charles Bickford. Une séquence rehaussée par les plans de gamins tous unis dans une certaine dose de fanatisme, avec des torches, et certains des gosses qui portent un uniforme. DeMille a peut-être de bonnes intentions, mais il ne sait pas s'arrêter, contrairement à Borzage, qui sait lui que quand on laisse les gamins mettre des uniformes, il n'en sort rien de bon: voir l'admirable No greater Glory (sorti l'année suivante) pour s'en convaincre. Sentant le danger venir (il avait l'habitude de s'en prendre plein la figure, il faut le dire) le metteur en scène avait multiplié les précautions, à la fois à l'extérieur du film (Une série d'interviews dans laquelle il insistait sur le fait qu'il ne fallait pas faire ça à la maison!) et à l'intérieur (les gamins, contrairement aux deux groupes rivaux et fanatiques de Godless Girl, sont ouverts les uns aux autres, et viennent de tous les horizons: W.A.S.P., juifs, et noirs cohabitent et sont unis dans leur quête de justice). Par ailleurs dans son film, si le système politique est corrompu, les politiciens sont dépassés, comme la police et la justice: pas responsables, en attente d'un salut que les gamins leur apportent sur un plateau.

Et puis bien sûr, dans ce film super chargé en épices DeMilliennes de toutes sortes, on a droit aux montagnes Russes: des scènes de suspense et d'action inattendues et d'une grande rigueur, et un sauvetage de dernière minute d'une jeune femme enfermée en robe de soirée avec décolleté révélateur, qui doit rester le plus longtemps possible avec un gangster qui n'a qu'une envie, celle de la consommer sur le champ: une situation risquée mais la mission pour Gay est d'empêcher l'intervention de Toledo auprès de Garrett, par tous les moyens, pendant que les gamins s'occupent de lui... Bref, ça va loin, et en toute logique DeMillienne, ça n'en finit pas d'aller très loin... tout en durant que 85 minutes.

On ne résoudra pas les questions posées par le côté sulfureux du film, mais en l'état (mauvais, le film n'a pas bénéficié de toute l'attention de la Paramount, et a un peu souffert du passage des années) ça reste un des films, justement les plus fascinants de DeMille. Tellement meilleur que, disons, au hasard, ses Ten commandments...

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Pre-code